10ème anniversaire du Centre d’études galiciennes
Enseignement du galicien à Paris 3
Pour marquer le 10ème anniversaire de la création de l’enseignement du galicien dans notre Université, mon collègue linguiste Eric Beaumatin, qui avait pris la relève de la coordination de cet enseignement après mon départ à la retraite, organisa, le 10 décembre 2004, un bref colloque auquel je fus invité. J’y apportai ma contributon en relatant dans quelles circonstances le Gouvernement de Galice (la Xunta) avait pris cette initiative et comment elle fut concrétisée.
Qu’il me soit permis, tout d’abord, de remercier les organisateurs de cette réunion commémorative du dixième anniversaire du Centre d’Études Galiciennes, de m’avoir invité à prendre la parole dans une Université où j’ai exercé durant les 18 dernières années de ma carrière, et qui m’a fait l’honneur de me concéder l’éméritat. Certes, le champ de mon intervention d’aujourd’hui ne coïncide pas avec ce qui fut mon activité principale d’enseignant-chercheur, mais, pour peu qu’il s’en donne la peine, un Professeur en exercice est conduit à consacrer du temps et de l’énergie à des activités autres que celles pour lesquelles il est recruté et rémunéré. Cette marge d’initiative est (j’espère ne pas avoir à dire « était ») un des attraits principaux de la carrière universitaire et j’invite les collègues plus jeunes que moi ici présents à la défendre becs et ongles, en dépit de tous les faiseurs de normes réductrices qui, comme chacun sait, foisonnent dans nos institutions.
Ma qualité de premier coordinateur oriente inévitablement mon intervention vers une évocation historique des débuts du Centre d’Études Galiciennes de Paris 3, mais, comme je n’ai pas de goût pour la paraphrase, sur ce point, je vous renvoie aux archives que j’ai déposées en son temps à l’intention du nouveau coordinateur. En outre, il est probable que, si je cédais à cette tentation, je ne ferais que répéter ce que l’on pourrait entendre en pareille circonstance dans n’importe lequel des nombreux Centres que le Gouvernement de Galice a créés à travers le monde. Dans le cadre de cette politique, la prestigieuse place de Paris ne pouvait manquer à l’appel et, un jour ou l’autre, à l’imitation du Gouvernement de la Catalogne, celui de Galice devait prendre l’initiative d’y créer un centre de diffusion de la culture régionale. Cette remarque pourrait laisser entendre que mon rôle fut celui d’un partenaire complaisant, ce qui serait exact, à ceci près qu’en me prêtant à cette opération, je contribuai sciemment à ne pas tenir notre Université à l’écart d’un mouvement de propagation des cultures autonomiques hispaniques déjà bien avancé, ce qui aurait été malvenu, compte tenu de la vocation « Langues et Lettres étrangères » qui présida à la création de la nôtre lors de l’éclatement de la vieille Sorbonne d’avant 1968.
Mon propos concernera un événement, qui est très probablement tombé dans l’oubli, mais que je considère comme véritablement fondateur du Centre. Pour l’évoquer, j’utiliserai ma mémoire, mes agendas de l’époque et certain dossier qui me reste de cet événement, donc j’ai extrait à votre usage quelques documents que je fais circuler parmi vous.
– Printemps 1991. Le Professeur Vicente Beltrán Pepió, Professeur à l’Université Centrale de Barcelone, mais collaborateur de la Xunta pour les questions littéraires (il a exercé au-début de sa carrière comme inspecteur primaire en Galice), me demande si je veux bien me charger de l’organisation d’un colloque à Paris, à l’automne. J’accepte malgré mes nombreuses occupations : je suis, depuis la rentrée 1990, Directeur du CIES, sans allégement de service et l’automne coïncidera avec ma première vraie rentrée des Allocataires-Moniteurs.
– La Directrice Général de la Culture de Galice, Paz Lamela Vilariño, désormais mon interlocutrice avec son collaborateur Xavier Senín, m’informe que ce colloque, qu’elle qualifie de « peregrinaje cultural » (voir lettre jointe) s’inscrit dans un projet plus large qui doit aboutir à un Congrès International à Saint-Jacques, la prochaine année jubilaire (1993). Je m’aperçois que la dimension politique de cet événement risque de dépasser son intérêt scientifique.
– Conscient de ce fait, j’essaie d’apporter une réponse « métaphoriquement » acceptable. J’insiste sur le fait que le colloque doit se tenir sur le Chemin de Saint-Jacques et, étant donné l’exiguïté et la vétusté des locaux de la rue Gay-Lussac, je propose la Sorbonne, considérant, en outre, que seul un édifice de ce prestige s’accorde avec l’ambition du gouvernement galicien.
– Pris à mon propre jeu, je dois me battre pour dissuader les autorités galiciennes de louer le Grand Amphithéâtre, que je me vois mal remplir pour un événement de cet ordre ; or, je ne veux pas exposer les conférenciers à entendre résonner l’écho de leur voix, comme lors d’une rencontre sportive organisée dans un stade vide. Heureusement, la salle Louis Liard est libre. De plus, elle est dotée d’un décor apte à satisfaire le goût du plus exigeant amateur de kitsch « fin de siècle ». Accessoirement, elle est dotée d’une petite salle annexe et d’un accès réservé, susceptible de rassurer les services de sécurité en cas de visite d’autorités.
– J’apprends, en effet, que le Président de la Xunta soi-même, Manuel Fraga Iribarne, compte prononcer l’allocution inaugurale du colloque. La chose se complique donc considérablement, mais, grâce à l’expérience acquise lors d’un bref mandat d’Adjoint au maire d’une commune de 9000 habitants, où l’on pratique le protocole autant ou plus que dans une grande, je frappe aux portes idoines. Celle du Recteur-Chancelier m’est, en principe, ouverte, puisque le bureau sur lequel elle donne est occupée alors par une collègue (Michèle Gendreau-Massaloux) que j’ai côtoyée pendant mes études et avec laquelle j’ai préparé l’Agrégation. Par ailleurs, la Présidente de notre Université, Suzy Halimi, se prête volontiers à l’opération.
– Je passe sur les démarches pratiques que j’ai dû mener alors, auprès de différentes instances, y compris hôtels et restaurants. On pourra s’en faire une idée en lisant ma lettre du 31 octobre 1991 jointe au dossier. Elles comportèrent aussi une dimension protocolaire de grande importance, dont je ne sais si, à la date où je vous parle, elle est résolue ou si elle continue à occuper à temps plein un conseiller dans toutes les ambassades d’Espagne : la présence de l’Ambassadeur est-elle requise lorsque se déplace un Président de gouvernement autonomique ?
– Tout se passa pour le mieux, sinon je ne serai pas ici pour vous en parler ni vous pour m’entendre. Mais nous nous sentimes tous soulagés lorsque le Président nous quitta avec sa suite, nous laissant entre collègues. L’état de nos nerfs s’améliora instantanément et aussi, pourquoi le nier, notre bonne conscience, dès l’instant où nous ne fûmes plus contraint par les règles de la bienséance à faire assaut d’amabilité à l’égard d’un personnage qui fut associé, pendant des années, à une politique pour laquelle nous éprouvions une franche aversion (c’est peu dire). Je vous livrerai une petite anecdote à ce sujet. Pour des raisons de sécurité, il était entendu que le cortège du Président s’arrêterait dans la large rue des Écoles, plus facile à surveiller, et que la Présidente de l’Université et moi-même nous accueillerions les personnalités dans le grand hall du rectorat. Nous fûmes avertis que le cortège était entré par la rue de la Sorbonne. Nous dûmes franchir au pas de course la distance non négligeable qui sépare le hall de la salle Louis Liard, en veillant à ne pas défaire l’ordonnance de notre tenue ni à trop nous essouffler, afin de pouvoir souhaiter la bienvenue à quelqu’un qui nous avait précédé dans le lieu où nous devions l’introduire. Je tiens à dire ici que Suzy Halimi ne me tint pas rigueur de lui avoir imposé ce footing impromptu, et qu’elle sut se montrer aimable en dépit de tout.
– Le niveau scientifique du colloque fut de bonne tenue, même si je découvris, à cette occasion, que le Chemin de Saint-Jacques était de ces sujets qui, comme Jeanne d’Arc, se prêtent mieux à une célébration qu’à une rencontre entre universitaires, car il est rare que des découvertes permettent de les renouveler dans chacune de ces manifestations.
La Xunta tint parole. En 1993, elle organisa à Saint-Jacques, dans l’auditorium tout récemment inauguré, un colloque intitulé O cantar dos trobadores. Ce fut, pour moi, l’occasion d’échanger avec les responsables de la Direction de la Politique Linguistique pour la création d’une Centre d’Études Galiciennes qui fut effective lors de l’année universitaire 1994-1995. La suite, vous la connaissez. Pour moi, je tiens à dire que mon intervention fut prioritairement administrative et que l’essentiel du travail didactique, celui qui a permis, en fait, la permanence et le développement du Centre est à mettre à l’actif des enseignants galiciens et plus particulièrement des Professeurs Manuel González et Xaime Varela, qui se montrèrent tous deux très coopératifs et efficaces. Je suis heureux de pouvoir les saluer aujourd’hui.
Illustration. Responsables des Centres culturels galiciens réunis à Saint-Jacques en mai 1996 : Jens Lütke (FU Berlin), Winfried Busse (FU Berlin), Françoise Dubosquet (Rennes), Ivo Castro (Lisboa), Michel Garcia (Sorbonne-Nouvelle), Paolo G. Caucci Von Saucken (Perugia), Giuseppe Taviani (Roma La Sapienza), Taina Hämäläinen (Helsinki)
10 décembre 2004
Michel Garcia
Séance inaugurale. La Présidente de Paris 3, Suzy Halimi, salue l’Ambassadeur d’Espagne, en présence du Président de la Xunta et de Michel Garcia
Séance inaugurale. Le Président de la Xunta adresse ses compliments à la la Présidente de Paris 3, Suzy Halimi
Le Président de la Xunta s’apprête à entrer salle Louis Liard pour y prononcer son allocution, sur l’invitation de Michel Garcia
Le Chœur de la Sorbonne, sous la direction de Jacques Grimbert, interprète deux pièces extraites du Chansonnier d’Uppsala, salle Louis Liard
Michel Garcia, Paz Lamela Vilariño, X, Conselleiro de la Xunta, Ministre de l’Ambassade d’Espagne, Vicente Beltrán, Serafín Moralejo
Le Professeur Manuel Díaz y Díaz pendant son intervention, entouré de Serafín Moralejo et Michel Garcia
Remise de diplôme par Paz Lamela Vilariño a un conférencier britannique ( ?) en présence de Michel Garcia
Ensemble des intervenants à l’issue du colloque, en compagnie de Paz Lamela Vilariño et Xavier Senín (deuxième à partir de la droite)