Mois : mars 2022

10ème anniversaire du Centre d’études galiciennes

Qu’il me soit permis, tout d’abord, de remercier les organisateurs de cette réunion commémorative du dixième anniversaire du C

Enseignement du galicien à Paris 3

 

Pour marquer le 10ème anniversaire de la création de l’enseignement du galicien dans notre Université, mon collègue linguiste Eric Beaumatin, qui avait pris la relève de la coordination de cet enseignement après mon départ à la retraite, organisa, le 10 décembre 2004, un bref colloque auquel je fus invité. J’y apportai ma contributon en relatant dans quelles circonstances le Gouvernement de Galice (la Xunta) avait pris cette initiative et comment elle fut concrétisée.

 

Qu’il me soit permis, tout d’abord, de remercier les organisateurs de cette réunion commémorative du dixième anniversaire du Centre d’Études Galiciennes, de m’avoir invité à prendre la parole dans une Université où j’ai exercé durant les 18 dernières années de ma carrière, et qui m’a fait l’honneur de me concéder l’éméritat. Certes, le champ de mon intervention d’aujourd’hui ne coïncide pas avec ce qui fut mon activité principale d’enseignant-chercheur, mais, pour peu qu’il s’en donne la peine, un Professeur en exercice est conduit à consacrer du temps et de l’énergie à des activités autres que celles pour lesquelles il est recruté et rémunéré. Cette marge d’initiative est (j’espère ne pas avoir à dire « était ») un des attraits principaux de la carrière universitaire et j’invite les collègues plus jeunes que moi ici présents à la défendre becs et ongles, en dépit de tous les faiseurs de normes réductrices qui, comme chacun sait, foisonnent dans nos institutions.

Ma qualité de premier coordinateur oriente inévitablement mon intervention vers une évocation historique des débuts du Centre d’Études Galiciennes de Paris 3, mais, comme je n’ai pas de goût pour la paraphrase, sur ce point, je vous renvoie aux archives que j’ai déposées en son temps à l’intention du nouveau coordinateur. En outre, il est probable que, si je cédais à cette tentation, je ne ferais que répéter ce que l’on pourrait entendre en pareille circonstance dans n’importe lequel des nombreux Centres que le Gouvernement de Galice a créés à travers le monde. Dans le cadre de cette politique, la prestigieuse place de Paris ne pouvait manquer à l’appel et, un jour ou l’autre, à l’imitation du Gouvernement de la Catalogne, celui de Galice devait prendre l’initiative d’y créer un centre de diffusion de la culture régionale. Cette remarque pourrait laisser entendre que mon rôle fut celui d’un partenaire complaisant, ce qui serait exact, à ceci près qu’en me prêtant à cette opération, je contribuai sciemment à ne pas tenir notre Université à l’écart d’un mouvement de propagation des cultures autonomiques hispaniques déjà bien avancé, ce qui aurait été malvenu, compte tenu de la vocation « Langues et Lettres étrangères » qui présida à la création de la nôtre lors de l’éclatement de la vieille Sorbonne d’avant 1968.

Mon propos concernera un événement, qui est très probablement tombé dans l’oubli, mais que je considère comme véritablement fondateur du Centre. Pour l’évoquer, j’utiliserai ma mémoire, mes agendas de l’époque et certain dossier qui me reste de cet événement, donc j’ai extrait à votre usage quelques documents que je fais circuler parmi vous.

– Printemps 1991. Le Professeur Vicente Beltrán Pepió, Professeur à l’Université Centrale de Barcelone, mais collaborateur de la Xunta pour les questions littéraires (il a exercé au-début de sa carrière comme inspecteur primaire en Galice), me demande si je veux bien me charger de l’organisation d’un colloque à Paris, à l’automne. J’accepte malgré mes nombreuses occupations : je suis, depuis la rentrée 1990, Directeur du CIES, sans allégement de service et l’automne coïncidera avec ma première vraie rentrée des Allocataires-Moniteurs.

– La Directrice Général de la Culture de Galice, Paz Lamela Vilariño, désormais mon interlocutrice avec son collaborateur Xavier Senín, m’informe que ce colloque, qu’elle qualifie de « peregrinaje cultural » (voir lettre jointe) s’inscrit dans un projet plus large qui doit aboutir à un Congrès International à Saint-Jacques, la prochaine année jubilaire (1993). Je m’aperçois que la dimension politique de cet événement risque de dépasser son intérêt scientifique.

– Conscient de ce fait, j’essaie d’apporter une réponse « métaphoriquement » acceptable. J’insiste sur le fait que le colloque doit se tenir sur le Chemin de Saint-Jacques et, étant donné l’exiguïté et la vétusté des locaux de la rue Gay-Lussac, je propose la Sorbonne, considérant, en outre, que seul un édifice de ce prestige s’accorde avec l’ambition du gouvernement galicien.

– Pris à mon propre jeu, je dois me battre pour dissuader les autorités galiciennes de louer le Grand Amphithéâtre, que je me vois mal remplir pour un événement de cet ordre ; or, je ne veux pas exposer les conférenciers à entendre résonner l’écho de leur voix, comme lors d’une rencontre sportive organisée dans un stade vide. Heureusement, la salle Louis Liard est libre. De plus, elle est dotée d’un décor apte à satisfaire le goût du plus exigeant amateur de kitsch « fin de siècle ». Accessoirement, elle est dotée d’une petite salle annexe et d’un accès réservé, susceptible de rassurer les services de sécurité en cas de visite d’autorités.

– J’apprends, en effet, que le Président de la Xunta soi-même, Manuel Fraga Iribarne, compte prononcer l’allocution inaugurale du colloque. La chose se complique donc considérablement, mais, grâce à l’expérience acquise lors d’un bref mandat d’Adjoint au maire d’une commune de 9000 habitants, où l’on pratique le protocole autant ou plus que dans une grande, je frappe aux portes idoines. Celle du Recteur-Chancelier m’est, en principe, ouverte, puisque le bureau sur lequel elle donne est occupée alors par une collègue (Michèle Gendreau-Massaloux) que j’ai côtoyée pendant mes études et avec laquelle j’ai préparé l’Agrégation. Par ailleurs, la Présidente de notre Université, Suzy Halimi, se prête volontiers à l’opération.

– Je passe sur les démarches pratiques que j’ai dû mener alors, auprès de différentes instances, y compris hôtels et restaurants. On pourra s’en faire une idée en lisant ma lettre du 31 octobre 1991 jointe au dossier. Elles comportèrent aussi une dimension protocolaire de grande importance, dont je ne sais si, à la date où je vous parle, elle est résolue ou si elle continue à occuper à temps plein un conseiller dans toutes les ambassades d’Espagne : la présence de l’Ambassadeur est-elle requise lorsque se déplace un Président de gouvernement autonomique ?

– Tout se passa pour le mieux, sinon je ne serai pas ici pour vous en parler ni vous pour m’entendre. Mais nous nous sentimes tous soulagés lorsque le Président nous quitta avec sa suite, nous laissant entre collègues. L’état de nos nerfs s’améliora instantanément et aussi, pourquoi le nier, notre bonne conscience, dès l’instant où nous ne fûmes plus contraint par les règles de la bienséance à faire assaut d’amabilité à l’égard d’un personnage qui fut associé, pendant des années, à une politique pour laquelle nous éprouvions une franche aversion (c’est peu dire). Je vous livrerai une petite anecdote à ce sujet. Pour des raisons de sécurité, il était entendu que le cortège du Président s’arrêterait dans la large rue des Écoles, plus facile à surveiller, et que la Présidente de l’Université et moi-même nous accueillerions les personnalités dans le grand hall du rectorat. Nous fûmes avertis que le cortège était entré par la rue de la Sorbonne. Nous dûmes franchir au pas de course la distance non négligeable qui sépare le hall de la salle Louis Liard, en veillant à ne pas défaire l’ordonnance de notre tenue ni à trop nous essouffler, afin de pouvoir souhaiter la bienvenue à quelqu’un qui nous avait précédé dans le lieu où nous devions l’introduire. Je tiens à dire ici que Suzy Halimi ne me tint pas rigueur de lui avoir imposé ce footing impromptu, et qu’elle sut se montrer aimable en dépit de tout.

– Le niveau scientifique du colloque fut de bonne tenue, même si je découvris, à cette occasion, que le Chemin de Saint-Jacques était de ces sujets qui, comme Jeanne d’Arc, se prêtent mieux à une célébration qu’à une rencontre entre universitaires, car il est rare que des découvertes permettent de les renouveler dans chacune de ces manifestations.

La Xunta tint parole. En 1993, elle organisa à Saint-Jacques, dans l’auditorium tout récemment inauguré, un colloque intitulé O cantar dos trobadores. Ce fut, pour moi, l’occasion d’échanger avec les responsables de la Direction de la Politique Linguistique pour la création d’une Centre d’Études Galiciennes qui fut effective lors de l’année universitaire 1994-1995. La suite, vous la connaissez. Pour moi, je tiens à dire que mon intervention fut prioritairement administrative et que l’essentiel du travail didactique, celui qui a permis, en fait, la permanence et le développement du Centre est à mettre à l’actif des enseignants galiciens et plus particulièrement des Professeurs Manuel González et Xaime Varela, qui se montrèrent tous deux très coopératifs et efficaces. Je suis heureux de pouvoir les saluer aujourd’hui.

Illustration. Responsables des Centres culturels galiciens réunis à Saint-Jacques en mai 1996 : Jens Lütke (FU Berlin), Winfried Busse (FU Berlin), Françoise Dubosquet (Rennes), Ivo Castro (Lisboa), Michel Garcia (Sorbonne-Nouvelle), Paolo G. Caucci Von Saucken (Perugia), Giuseppe Taviani (Roma La Sapienza), Taina Hämäläinen (Helsinki)

 

10 décembre 2004

Michel Garcia


Séance inaugurale. La Présidente de Paris 3, Suzy Halimi, salue l’Ambassadeur d’Espagne, en présence du Président de la Xunta et de Michel Garcia

 

 

 

 

Séance inaugurale. Le Président de la Xunta adresse ses compliments à la la Présidente de Paris 3, Suzy Halimi

 

 

 

 

Le Président de la Xunta s’apprête à entrer salle Louis Liard pour y prononcer son allocution, sur l’invitation de Michel Garcia

 

 

 

 

Le Chœur de la Sorbonne, sous la direction de Jacques Grimbert, interprète deux pièces extraites du Chansonnier d’Uppsala, salle Louis Liard

 

 

 

 

Michel Garcia, Paz Lamela Vilariño, X, Conselleiro de la Xunta, Ministre de l’Ambassade d’Espagne, Vicente Beltrán, Serafín Moralejo

 

 

 

 

Le Professeur Manuel Díaz y Díaz pendant son intervention, entouré de Serafín Moralejo et Michel Garcia

 

 

 

 

Remise de diplôme par Paz Lamela Vilariño a un conférencier britannique ( ?) en présence de Michel Garcia

 

 

 

Ensemble des intervenants à l’issue du colloque, en compagnie de Paz Lamela Vilariño et Xavier Senín (deuxième à partir de la droite)

Jens Lütke (FU Berlin), Winfried Busse (FU Berlin), Françoise Dubosquet (Rennes), Ivo Castro (Lisbonne), Michel Garcia (Sorbonne-Nouvelle), Paolo G. Caucci Von Saucken (Pérouse), Giuseppe Ta

Mort du chat Gini

Mort du chat Gini

Nous avons fait piquer Gini ce matin. Nous l’avons porté à la clinique vétérinaire et, là, le docteur Cailleau lui a effectué deux piqûres, une pour l’endormir, l’autre, de penthotal, pour le tuer. Nous avons assisté à la totalité de l’opération, mais j’ai dû sortir un moment entre les deux piqûres pour m’aérer l’esprit et sécher mes larmes. Le docteur, une jeune femme, s’est comportée avec beaucoup de tact. Lorsqu’on a quitté la clinique, elle nous a souhaité « courage ». La formule m’a surpris, parce que je la croyais réservée aux parents d’un défunt humain mais, à la réflexion, elle est parfaitement adaptée aussi à ce genre de situation.

Gini était un petit chat abandonné. Une locataire de notre immeuble de la rue Vergniaud l’avait recueilli mais ne pouvait pas le garder. Nous l’avons adopté en pensant qu’il serait heureux à L’Olive, où nous nous apprêtions à déménager (1997). Ce fut le cas, après deux ou trois jours d’adaptation, pendant lesquels il refusa de quitter la chambre de Patrice. Le premier soir, il se cacha sous le lit. Mais il s’enhardit pendant la nuit, au point qu’il nous fut donné de découvrir un spectacle peu banal lorsque nous sommes entrés dans la chambre au matin. Gini avait non seulement fini par rejoindre Patrice dans son lit, mais il avait tellement pris ses aises, qu’il en occupait deux bons tiers, tandis que Patrice, pourtant déjà passablement enveloppé, se tenait au bord du matelas, en équilibre instable. Nous y vîmes le signe d’une adaptation prochaine.

Gini était notre tigre. Il avait le pelage blond rayé de roux, un corps élancé, une tête ronde, des yeux à la fois grands et bien fendus. Il était agile et rapide à la course, bien qu’il fût affublé d’un genu valgum qui finira par le handicaper sur ses vieux jours.

Il avait un don de pédagogue. C’est lui qui a éduqué tous les petits chats qui ont défilé dans la maison, et il y en eut : nous souhaitions en avoir deux ou trois en permanence (pour une aussi grande maison, ce n’est pas excessif) et les voitures nous en tuaient régulièrement, qu’il fallait remplacer. Gini, seul, qui se montrait plus prudent que les autres, a vécu jusqu’à un âge avancé. Il veillait sur leurs premières échappées hors de la maison, pour ceux que nous avions adoptés très petits. Il initiait les plus grands à la chasse, en leur rapportant leur premier gibier vivant, généralement un mulot. Après avoir confié sa proie au chaton, il allait se coucher à quelques pas de là, et, bien qu’il feignît l’indifférence, la tête tournée dans la direction opposée, il ne perdait rien des jeux cruels auquel le futur chasseur se livrait sur sa pauvre victime.

Gini était aussi voleur. Notre fille le traitait de faux-cul parce qu’il s’arrangeait toujours pour ne pas être surpris sur le fait, et vous regardait avec un air de vous dire qu’il n’était en rien responsable du désastre. C’était pourtant un vrai voleur. Il adorait lécher la motte de beurre abandonnée sur la table du petit-déjeuner, grignoter le fromage de chèvre mal protégé sous sa cloche, au-dessus du frigidaire ou la viande qui attendait d’être cuite à côté du gaz, dans son papier d’emballage. Mais si vous mettiez dans son assiette le morceau de beurre, de fromage ou de viande auquel il avait touché, il ne le mangeait pas. Il aimait se servir, pas être servi et plus l’objet de son désir était difficilement accessible, plus cela lui plaisait.

Le matin, lorsque j’ouvrais les volets de notre chambre, il bondissait de l’extérieur sur le rebord de la fenêtre, faisant un saut sans élan d’un mètre quatre-vingts au moins. Les années passant, son arrière-train ne lui permettait plus de réaliser son exploit quotidien. Aussi attendait-il que j’aie ouvert la porte-fenêtre du salon pour entrer par le perron. Il disparut deux jours et nous revint fortement handicapé du train arrière. Une radio révéla qu’il avait reçu une volée de plomb tirée par un chasseur maladroit ou malveillant. On eut beau le soigner, son état empira au point d’en faire un infirme qui ne se déplaçait qu’en se contorsionnant et dont l’urine coulait dès qu’il tentait de se déplacer. Il a fallu se résoudre à recourir à l’euthanasie.

Il passait ses journées à l’intérieur, pour se remettre de ses nuits qu’il passait dehors, on n’a jamais su où, après que l’on eut interdit l’accès du grenier aux chats : des matous venaient y marquer leur territoire et y parfumer l’atmosphère. Il avait ses coins : un certain endroit du couloir, sur lequel il avait dû repérer le passage d’une canalisation chaude ; et, bien entendu, près du feu. Mais il aimait par-dessus tout monter sur mes genoux dès que je m’asseyais ou me couchais pour lire. Lui me trouvait confortable, mais j’appréciais moins son poids et sa manie de manifester son bonheur en m’enfonçant ses griffes sur les cuisses. J’en avais pris mon parti, m’arrangeant pour qu’il trouve une place entre mes jambes, sans appuyer dessus, lorsque j’étais couché ou en le chassant en désespoir de cause, lorsque je lisais dans un fauteuil. Il ne s’en offusquait pas et finissait par trouver une place à sa convenance pour peu qu’il pût coller sa tête contre ma hanche et y baver à loisir.

Pour nous consoler de la perte d’un animal qui a accompagné notre retraite jusqu’ici, il nous reste les photos, car il était photogénique, et deux adorables chatons, Dulcinée et Diabolo, auxquels nous essayons de communiquer une peur salutaire des voitures. Nous verrons bien.

28 janvier 2009

 

Transmission de pensée

Transmission de pensée

Dimanche dernier, les Amis du Vieux Chinon ont eu leur repas annuel à Saint-Germain sur Vienne, là même où nous l’avions organisé pour la première fois en 1988. En rentrant à la maison, mais peut-être déjà vers la fin du repas, je ne sais plus, il m’est venu à l’esprit, non pas un événement ou un souvenir, mais une formule, que j’ai construite peu à peu et que j’ai mémorisée pour la dire à mon frère, Guy : « Alors, Céline t’a donné le plus beau petit-fils du monde ? ». Céline est, en effet, arrivée près de son terme, mais pas si près que cela en fin de compte, puisqu’elle doit accoucher vers le 20 du mois. Tout obnubilé par la teneur de la formule et le désir de la communiquer, j’en perds le sens des réalités, à savoir qu’il n’est pas temps d’y penser, puisque l’événement concerné est prévu pour bien plus tard. Or, j’ai bien le sentiment que si je fais l’effort de concevoir la formule et de la mémoriser, c’est pour un usage immédiat. Mais cela, je ne l’envisage même pas sur le moment. Nous rentrons après cinq heures. Michèle passe quelques coups de fil. Sans doute entend-elle qu’elle a un double appel mais, comme on ne peut le prendre que si on coupe la communication principale et qu’elle n’a pas envie de le faire, elle ne le prend pas et ne m’en parle pas. Vers 6 h et demie, Guy téléphone pour m’apprendre la naissance d’Aurélien, qui a eu lieu vers midi et a été provoquée parce que les analyses de sang de la mère n’étaient pas très bonnes. Il a tenté de nous joindre avant mais c’était occupé. Je fais savoir à Guy ce qui m’est arrivé : il ne s’en étonne pas et je lui en suis reconnaissant ; il évoque le « don » que notre mère estimait m’avoir transmis sur un ton qui n’est pas ironique. Qu’est-ce qui a alerté mon esprit ? La naissance elle-même ? Je ne crois pas ; du moins, je ne me souviens pas d’avoir eu un « coup de cœur » sur les midis. En revanche, je pense plutôt que j’ai perçu que Guy avait l’intention de me donner la nouvelle. La transmission se fait donc, plutôt que sur l’injonction de l’événement qui la provoque, sur un support discursif. À supposer que le « don » existât, je me demande si la part discursive était si importante pour ma mère, dont la culture lettrée était nulle, ou s’il s’agit d’une déviation littéraire propre à ma formation. Je souris à l’idée que je pourrais être conduit à évoquer ce genre de question devant une docte assemblée. Peut-être dans un colloque sur les ressorts narratifs du récit ?

Jeudi 7 février 2003

 

Corridas mai 1978

Tristes tardes de toros à Madrid

 

Il fait presque froid. Pourvu qu’il ne pleuve pas ! Cela gâcherait la corrida où je vais avec Barrère [un collègue de Pau].

Andrés Vázquez a des détails toreros indéniables. Cela nous change des toreros qui ne savent faire qu’une seule faena, quelle que soit la bête qu’ils affrontent. Il prend soin de varier ses passes, sa façon d’aborder le taureau. En outre, il a énormément de temple. Mais, les taureaux ! Le premier n’a pas pu supporter une seule pique : il est tombé au simple contact du caparaçon du cheval. Or, on a concédé une oreille au torero pour sa faena sur cette bête faiblarde. Le quatrième, boitant bas, et le cinquième, mansísimo sont « devueltos al corral ». L’un d’entre eux était déjà un sustituto. Barrère était ravi parce qu’il revivait des moments de son séjour en 1950-51 (il a passé deux ans à Madrid). Le public était très animado et, au tendido 8, celui des vrais aficionados, il y a eu une bataille rangée et on a expulsé, non sans mal, un ou deux excités. Le monument à Antonio Bienvenida est affreux.

Dimanche 22 mai 1978

Barrère est venu me prendre et nous sommes allés à la corrida. Nous avons payé à la revente 425 pesetas des places qui en valaient 250. Le spectacle a été sauvé par les rejoneadores : Alvaro Domecq, sobre et élégant, efficace à pied ; Moura, jeune portugais, très nerveux, avec un taureau tardo. Ses chevaux ont reçu plusieurs égratignures mais il a réalisé des choses superbes : bête fixée, provocations par changement de pied, dignes d’un trois-quart aile de rugby. Mais il ne tue pas à pied. C’est un autre qui le fait à sa place, encore que, dimanche, il n’ait pas été nécessaire de recourir à ce sustituto.

Le reste ne vaut guère la peine d’être mentionné. Les six tuliovazquez ayant été refusés par les vétérinaires, nous avons eu droit à un lot inédit de ????, pas plus mauvais que d’autres déjà vus. Les toreros : mauvais. Tini, Calatraveño (mort de peur et qui n’a pas fait une seule passe au taureau), El Puno, qui s’est à demi sauvé car il est un peu moins médiocre. Mais je ne regrette jamais ce genre de dépenses. Il est mille fois plus triste de subir la fraude que les figuras, Paco Camino et El Viti, ont infligée au public face à des victorinos.

Dimanche 16 mai 1978