Mois : juillet 2024

Coloquio Escritura y ejemplaridad en la literatura española medieval

Quien calla dice mucho. Drama crítico

 

Coloquio Escritura y ejemplaridad en la literatura española medieval

Casa de Velázquez, Madrid, 28 de febrero de 1978

 

Tuve la suerte de poder pasar tres cursos (1976-1979) como becario en la Casa de Velázquez de Madrid. Los aproveché para preparar mi primera edición del Rimado de Palacio y redactar gran parte de la Tesis sobre Pedro López de Ayala, que leería en junio de 1980.

A petición del Director de la Casa de Velázquez, me tocó organizar un acto, entre coloquio y mesa redonda, sobre un tema de mi elección. Después de consultarlo con Madeleine Pardo, opté por el que encabeza este documento, porque era una vía de investigación que compartíamos, ella y yo. Debo confesar que el tema era lo de menos. Importaba más reunir el mejor elenco posible de medievalistas españoles y algunos extranjeros con el fin de lucir la política cultural de la institución. No resultaba nada fácil limitar las intervenciones a cuatro y que la suma de ellas ofreciera una exposición, si bien no exhaustiva, por lo menos bastante completa de la temática elegida. Además, yo carecía de un conocimiento suficiente de las relaciones personales e intelectuales que mantenían las personalidades invitadas para poder ahorrarme algún incidente previsible. Por fin, las circunstancias no me eran del todo favorables, porque esa tarea inesperada me alejaba de otras imprescindibles, entre otras la de reanudar el trabajo de mi Tesis, que había quedado algo arrinconado a consecuencia de la preparación de la edición, que estaba a punto de publicarse en la editorial Gredos. Así y todo, no tuve más remedio que cargar con ese compromiso.

Esa experiencia me dejó un recuerdo mitigado. Entre los buenos, apunto el haber disfrutado de la presencia de excelentes colegas, españoles y extranjeros, y el haber iniciado una amistad con Keith Whinnom, que se concretó con una residencia de un mes en la Universidad de Exeter en febrero de 1981 (allí me pilló el Tejerazo). Hubo momentos más conflictivos, siendo el principal la reacción de Daniel Devoto ante lo que le pareció una falta de respeto hacia él, que se prolongó algún tiempo y dio lugar a un una mise au point de su parte. Lo que pudo transformarse en un conflicto no pasó de un enfado del que nuestras relaciones futuras adolecieron ciertamente, pero sin mayores consecuencias.

Reproduzco aquí los documentos centrándome en los intercambios que tuve con el Profesor Devoto.

Agradezco a mi amigo Juan Miguel Valero la revisión de estos textos y los oportunos comentarios que de ellos ha hecho.

NB. El resumen de las ponencias de P. Heugas-Lacoste, K. Whinnom y la de M. Pardo y mía fueron publicadas en los Mélanges de la Casa de Velázquez, tome 15, 1979, págs. 582-593, 594-601 y 602-604.

 

Primera circular que dirigí a Daniel Devoto, Paul Zumthor y Pierre Heugas-Lacoste, con fecha del 17 de diciembre de 1977

 

Monsieur le Directeur de la Casa de Velázquez m’a proposé d’organiser un colloque sur un sujet de littérature de mon choix. En accord avec mes deux camarades hispanistes de la Casa [Jean-Michel Lasperas y François Etienvre], j’ai choisi le sujet suivant : Écriture et exemplarité. Nous entendons par là, à la fois la fonction exemplaire de la littérature médiévale (ou d’une certaine littérature médiévale) et aussi, et j’oserai dire surtout, les principes et les techniques d’écritures qui débouchent sur cette exemplarité. Nous souhaiterions que cette journée fût l’occasion d’une réflexion théorique et méthodologique sur cet aspect de la littérature médiévale, et nous ferons notre possible pour que les résultats de cette réflexion collective soient publiés afin de servir, même modestement, à l’avancement de la recherche dans ce domaine.

Pour plus d’efficacité, nous avons voulu limiter le nombre d’intervenants : trois ou quatre chercheurs résidant hors d’Espagne seulement, mais dont le prestige et la qualité des travaux puissent contribuer de manière décisive à la réussite de cette journée. C’est pourquoi nous faisons appel à vous, car nous avons été vos élèves ou vos lecteurs passionnés. Nous serions très heureux si vous acceptiez notre invitation. Pour l’instant, nous ne vous demandons qu’un accord de principe.

Le colloque aurait lieu entre le 22 et le 25 février prochains [1978]. Il se tiendra à la Casa de Velázquez où vous serez hébergé. Pour les autres conditions pratiques, l’administration de cet établissement vous les communiquera un peu plus tard, vraisemblablement par mon truchement. Feront l’objet d’une invitation : Paul Zumthor, s’il est en Europe en ce moment-là ; Pierre Heugas-Lacoste ; un collègue britannique non encore désigné [Keith Whinnom] ; enfin de nombreux chercheurs espagnols. Si vous jugez que quelqu’un d’autre doive être invité, n’hésitez pas à nous le signaler : nous vous en serons très reconnaissant.

Bien entendu, vous aurez toute liberté de choisir la nature de votre intervention : exposé théorique, commentaire d’une œuvre précise, ou simplement participation à la table-ronde.

Étant donné la brièveté des délais qui nous sont imposés, je vous serais infiniment reconnaissant de bien vouloir m’adresser une réponse rapide.

En espérant qu’elle sera positive, je vous adresse, au nom de mes camarades et en mon nom propre, nos plus respectueuses salutations,

Michel Garcia.

 

Respuesta de Daniel Devoto:

Ciboure, le 30 décembre 1977

Cher Collègue,

C’est avec grand plaisir que j’accepte votre aimable invitation. Pour le moment, je pense être un écouteur attentif, participant surtout à la table-ronde ; si toutefois vous croyez qu’un commentaire de texte aurait quelque intérêt – je veux dire le commentaire d’un texte précis – dites-le moi, et je tâcherais de m’en charger (le conditionnel ne vise que la distance qui me sépare de la BNP [Bibliothèque Nationale de Paris]).

Dans l’attente de vos nouvelles, recevez mes salutations « cordialissimes »

Daniel Devoto

PS. Votre lettre du 17 n’est arrivée qu’hier. Je vous expédie celle-ci par exprès. Valete.

 

Segunda circular a cada participante

Reproduzco la que dirigí a Daniel Devoto

Le 19 janvier 1978

Mon cher collègue,

Je vous confirme la tenue du colloque, mais la date en a été légèrement retardée pour des raisons pratiques. Le colloque est définitivement fixé au mardi 28 février.

Lors de notre prochaine correspondance (qui sera la dernière), nous vous enverrons la circulaire contenant le programme précis de cette journée. Pour ce qui est des questions pratiques, elles vous seront précisées aussi à ce moment-là. Je peux cependant vous annoncer d’ores et déjà que votre billet vous sera remboursé ici-même (gardez-le bien sur vous) et que vous serez hébergé (logement et repas) pendant votre séjour. Nous vous accueillerons à la gare si vous voulez bien nous indiquer l’heure de votre arrivée.

Étant donné que nous allons « théoriser » le plus possible, pour tirer le profit maximum de cette simple journée de travail, il n’est peut-être pas nécessaire que vous vous déplaciez à la BN de Paris. Nous comptons sur votre grande érudition pour donner corps à la réflexion collective. Je suis d’avis que les interventions en forme d’exposés soient peu nombreuses, afin de laisser du temps à la discussion. Pierre Heugas-Lacoste fera un exposé général sur Berceo. Je souhaiterais qu’un chercheur espagnol intervienne aussi. Enfin, j’essaierai, dans le courant de l’après-midi, d’exposer une « théorie » sur le sujet, en tenant compte de ce qui aura été dit jusque-là.

Outre Heugas et vous, a accepté de venir le professeur de l’Université d’Exeter, Keith Whinnom. P. Zumthor, malheureusement, est bloqué au Canada. Quant aux espagnols, nous aimerions avoir Alberto Blecua et Francisco López Estrada, lesquels se chargeraient, en outre, de battre le rappel de leurs compatriotes médiévistes.

Je posterai la prochaine lettre de France, le 13 ou le 14 février, pour qu’elle vous parvienne au plus vite.

Nous nous faisons une joie de vous avoir parmi nous bientôt. Je profite de l’occasion pour vous présenter mes meilleurs vœux pour 1978 et je vous adresse mes plus cordiales salutations.

Michel Garcia.

PS. Pierre Heugas me fait remarquer que l’indication des dates initialement prévues prêtait à confusion :je vous précise donc que le colloque ne durera qu’une journée, en l’occurrence celle du 28 février.

 

Los colegas españoles que honraron la invitación, algunos de ellos al inicio de una brillante carrera, fueron: Rafael Lapesa, Francisco López Estrada, Diego Catalán, Francisco Rico, José Fradejas Lebrero, Jaime Moll, Isabel Uría, Nicasio Salvador Miguel, Domingo Yndurain, Pedro Cátedra, Alfonso Rey, Amancio Labandeira, Víctor Infantes (José Caso González y Alberto Blecua no pudieron venir).

Teniendo en cuenta las respuestas de cada ponente invitado, el programa de la jornada quedó fijado como sigue:

 

Mañana

Moderador: Daniel Devoto

Pierre Heugas-Lacoste, “Estrofas iniciales y estrofas finales en los Milagros de Nuestra Señora

Michel Garcia: “La investigación francesa sobre el tema”

 

Tarde

Moderador: Francisco López Estrada

Keith Whinnom, “La investigación británica sobre el tema”

Francisco Rico, “Escritura y ejemplaridad del yo medieval”

 

Balance provisional: Apuntes para una teoría de la ejemplaridad en la escritura medieval a cargo de M. Garcia.

 

Por la razón que fuera y que me cuesta trabajo explicar hoy precisamente, más de 40 años después, – cansancio mío y de la asistencia por una sesión de la tarde más larga de lo previsto, derrumbe psicológico de mi parte (me sentí cohibido ante el derroche de erudición que caracterizó varias de las intervenciones en el coloquio) – renuncié a presentar el balance final. Sin duda contaba con la grabación de las intervenciones para publicarlas en los Mélanges, lo que me parecía más útil que resumir malamente lo que se había dicho a los que lo habían oído. No podía sospechar que un fallo técnico tendría como consecuencia que se perdieran las grabaciones. El hecho es que el final fallido deslució bastante el acto, de lo que siempre me arrepentí [algo de ello comento en la carta que dirigí el 11 de marzo a Madeleine Pardo y que reproduzco aquí por ese motivo].

Al que peor le sentó, fue a Daniel Devoto. Se sintió frustrado por el modesto protagonismo que le había correspondido a lo largo del día y quiso compensarlo con un texto titulado “Justificación de un silencio”. Conservo una copia dactilografiada y corregida a mano por D. Devoto, que reproduzco al final de este dossier, precedida de las cartas que intercambiamos él y yo, más una del Director de la Casa. Más allá del tono polémico, incluso agresivo, que usa D. Devoto y que proporciona una idea bastante exacta de su carácter y del alto concepto que se hacía de su misión de crítico, merece la pena no perderse esta muestra de su erudición. Sin embargo, conviene señalar que la parte expositiva de su texto (la segunda) dista mucho de estar inspirada directamente en el coloquio. Se trata, en realidad, de un capítulo de la Tesis que estaba a punto de leer en la Sorbona y que nos ofrece aquí como primicia sin decirlo. Recuerdo que, durante la lectura de la Tesis (a principios del año 1980), citó e incluso cantó el “je chante pour moi-même, je chante pour moi-même” de la Carmen de Bizet que menciona ahí.

 

Carta a Madeleine Pardo

11 mars 1978

Chère Madame,

Je vous adresse ci-joint le support de mon intervention lors du colloque qui s’est tenu à la Casa de Velázquez le 28 février, et qui avait occasionné notre rencontre, lors de mon dernier séjour à Paris.

Le premier schéma correspond à la conversation que nous avions eue. Disons qu’il exprime ce que j’en ai retenu. J’espère ne pas y avoir trop trahi votre pensée, même si je ne doute pas que son caractère excessivement escueto, surtout dans les références aux textes, risque de vous décevoir. C’est pour remédier à ce défaut que je vous l’adresse en vue de sa publication dans les Mélanges. Je tiens à vous préciser qu’il n’y a aucun inconvénient à ce que cette publication soit sensiblement différente de ce que j’ai effectivement dit lors de ce colloque. Une publication, à laquelle, qui plus est, votre nom sera associé, ne doit pas être le reflet exact de ce qu’aura dit votre porte-parole peu inspiré à des interlocuteurs qui, de toute façon, n’auront conservé qu’un vague souvenir de ce qu’ils auront effectivement entendu. N’hésitez donc pas à sabrer et à amplifier à votre guise : ces deux pages de moi ne sont qu’une ébauche, qu’une cire qui attend votre empreinte (voilà que je donne dans le lyrisme !).

Les deux autres pages sont le fruit de ma propre élucubration, en partie, je l’avoue, nourrie par notre discussion. J’aimerais, si cela ne vous ennuie pas, que vous me donniez votre avis et vos conseils pour l’améliorer. Le tout est plutôt décousu, mais j’avais conçu ces notes comme un point de départ pour une discussion. De discussion, il y en eut, mais pas dans le sens que nous espérions. Nos amis espagnols, – et il y avait là pratiquement la plana mayor du médiévisme hispanique -, répugnent à théoriser. Je les soupçonne d’être tellement érudits dans leur discipline qu’ils ont du mal à raisonner autrement que par analogie (comme les auteurs d’exempla) ou par référence à des œuvres antérieures susceptibles d’avoir fourni une source à tel auteur.

Inutile de vous dire quelle dure épreuve j’ai passée devant cet étalage de science, qui me faisait mesurer par contraste et paradoxalement mon incommensurable ignorance. Au point que j’ai rengainé plusieurs interventions, parce qu’elles se référaient à un nombre d’œuvres ridiculement restreint. On a cité ce jour-là plusieurs dizaines de titres de la littérature médiévale : latines, castillanes, françaises… Et moi qui avais en plus des préoccupations de maîtresse de maison (a-t-on prévu assez de déjeuners pour tous ces invités ; comment les asseoir à table pour le dîner ; untel saluera-t-il untel alors qu’ils défendent des conceptions critiques apparemment irréductibles ? ; l’horaire sera-t-il respecté ; penser à réserver une place près du président de séance à telle autorité, à qui, de surcroît, il conviendra de donner la parole de façon à le mettre en évidence, comme l’exige sa grande notoriété, l’épreuve a été rude et j’avais bien raison de m’y être refusé jusque-là.

Enfin, comme ces personnalités ont manifesté le souhait de se retrouver l’an prochain pour renouveler l’expérience, le bilan n’est, tout compte fait, pas été trop négatif.

Je compte sur vous pour m’aider à accomplir le dernier acte de ce colloque, qui consiste en la publication des textes. Je vous en remercie d’avance.

Bien cordialement à vous,

Michel Garcia

 

Correspondencia con Daniel Devoto

 

Ciboure, 3 de abril de 1978

Mi estimado colega,

La impresión de que nuestro coloquio no llegó a conclusión alguna me preocupa y me pesa desde hace bastante tiempo. Si no me equivoco, las ponencias y su discusión aparecerán en Mélanges de la Casa deVelázquez el año próximo. ¿Qué opina Usted de un comentario sobre el desarrollo del coloquio, y sobre las posibles razones del “punto muerto” en que se interrumpió? Si a Usted le parece conveniente, yo podría encargarme de redactarlo (más aún: me parece obligatorio, para mí, el redactarlo; su publicación, como corolario del relato del propio coloquio, o independientemente, podrá discutirse; pero la necesidad, para mí, de aclararlo, me parece obligatoria).

Usted me dirá su opinión sobre esto. Reciba, con mis mejores recuerdos por la cordial recepción, mis amistosos saludos.

Daniel Devoto

 

Madrid, 13 avril 1978

Cher Monsieur,

L’intérêt que vous portez à notre colloque du 28 février et à la publication qui va en résulter me touche profondément.

Je n’ai pas encore eu l’occasion de m’entretenir du contenu exact de ce qui serait publié dans les Mélanges avec les responsables de la publication, c’est-à-dire monsieur le Directeur et monsieur le Secrétaire Général. Je comptais leur proposer la reproduction des exposés, du moins de ceux qui me parviendraient à temps, ainsi que des points les plus intéressants de la discussion.

Je suis prêt, bien entendu, à proposer aussi la publication de votre commentaire, qui ajoutera une dimension critique indispensable au compte rendu d’une réunion de réflexion. Simplement, je crois qu’il serait bon que vous m’envoyiez un résumé de votre texte afin de permettre aux responsables de la publication d’avoir une idée de son étendue.

Je vous renouvelle mes remerciements pour cette manifestation d’intérêt et vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux.

Michel Garcia

 

Ciboure, 8 de mayo de 1978

Mi estimado colega:

Lo que me propongo redactar, a propósito del coloquio del 28 de febrero pasado, es una serie de pequeñas reflexiones, basadas en que la peculiar especialización filológica y literaria de la mayoría de los participantes (a diferencia de los grandes maestros de la filología del siglo pasado, que concedían a la literatura llamada “popular” una diligente atención), que les impide considerar la narrativa medieval con una óptica apropiada. Consideraría en particular la ponencia de Francisco Rico, y daría por último algunos ejemplos de temas narrativos antiquísimos adoptados por la literatura actual, especialmente en Francia (Camus, Jouhandeau, Gide, Cocteau – con una carta inédita -, etc.)

Debo confesarle que mi posición, frente a la discusión de la tarde, es francamente adversa (y de ahí mi silencio: me pareció inútil predicar contra el refrán: “on ne prêche qu’aux convers” [léase “convertís” NdE]. Pero creo también que es útil que mi disensión aparezca junto con los otros textos relativos al coloquio, de modo que no pueda decirse que he sacado fuera de casa lo que debió de lavarse en ella.

Reciba Usted, con esta declaración enteramente franca, el muy cordial saludo de

Daniel Devoto

 

Madrid, le 31 mai 1978

Cher Monsieur,

Monsieur le Directeur de la Casa de Velázquez m’a donné son plein accord pour la publication de votre texte dans les Mélanges, en même temps que les autres exposés du colloque de Littérature médiévale. Il m’a chargé de vous dire seulement qu’il conviendrait que vous limitiez votre contribution à 15 pages dactylographiées à double interligne : les Mélanges devront, en effet, publier un colloque d’Histoire dans le même numéro.

Je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire parvenir votre texte au-début du premier trimestre de la prochaine année universitaire et, de toute façon, avant le mois de décembre.

J’ai hâte de lire votre communication.

Je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’expression de mes sentiments respectueux.

Michel Garcia

 

Madrid, le 13 décembre 1978

Cher Monsieur,

Nous avons bien reçu votre participation au colloque « Écriture et exemplarité dans la littérature espagnole médiévale », et nous vous en remercions.

Cependant, nous ne pouvons la publier telle quelle dans les Mélanges de la Casa de Velázquez. Et ce, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord nous publions en français, aussi nous vous serions reconnaissants de nous remettre une version française. Par ailleurs, pour des raisons matérielles, nous ne publierons pas la discussion du colloque (d’une part l’enregistrement de l’après-midi est inaudible, d’autre part nous devons, faute de crédits suffisants, réduire le plus possible les Mélanges). Ne publiant aucune des interventions, nous ne pouvons par courtoisie envers les autres participants, publier l’intervention différée de quelqu’un qui s’est tu.

Aussi, nous vous proposons de faire apparaître votre contribution sous la forme d’une communication, en y donnant un titre à caractère scientifique et en réduisant largement le début – en gros les quatre premières pages – qui a un ton très polémique, étranger à notre publication. En tant que responsable de la rédaction, nous ne pouvons entrer dans un débat qui n’a pas eu lieu sur place et que nous ne pouvons lancer en raison du délai annuel qui sépare deux numéros de notre revue. En revanche, nous souhaitons que, sur le plan scientifique, chacun puisse exprimer son point de vue et ainsi avoir l’honneur de vous compter parmi nos collaborateurs.

En espérant que vous voudrez bien revoir votre texte et nous retourner la version définitive le plus rapidement possible, je vous prie d’agréer, cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments cordialement dévoués.

Bernard Vincent [Secrétaire général de la Casa de Velázquez]

 

Ciboure, le 18 janvier 1979

J’ai trouvé, à mon retour d’Espagne, votre aimable lettre du 13 décembre dernier. Je comprends parfaitement votre attitude en face d’un texte foncièrement incommode, ainsi que le refus de le publier « tel quel ». Je vous prie en revanche de comprendre que je ne veuille guère payer avec le sacrifice de la vérité le plaisir d’être publié par vous. Car en fin de comptes (sic), Monsieur le Secrétaire Général, vous « demandez à quelqu’un qui s’est tu », en toute simplicité, de se taire encore.

Et c’est à propos de cette formule de votre lettre que je me permettrai de vous signaler quelques faits que peut-être vous ignorez (je ne vous ferai pas l’outrage de vous renvoyer à mes travaux, qui montrent que je n’ai pas l’habitude de me taire lorsqu’il s’agit de questions touchant notre discipline scientifique). Mais je ne sais pas si vous savez qu’avant votre arrivée à la Casa de Velázquez, lorsque Monsieur Garcia m’invita à participer à la table ronde qui nous occupe, je lui demandai de me fixer un sujet de son choix pour ma ponencia, sachant – permettez-moi cette suffisance – que j’aurais quelque chose à dire sur n’importe quel aspect du sujet imposé. Monsieur Garcia me suggéra de « me taire » en refusant ma participation personnelle et en me confiant (ou en me confinant dans ?) le rôle neutre de moderador. En outre, entre la liste d’orateurs qu’on me communiqua et la composition définitive de la table ronde, postérieure à l’acceptation, il y avait de sensibles différences, en noms comme en qualités. « Todo esto, dicho en la reunión, etc. » J’avais, non seulement des raisons personnelles pour ne pas intervenir dans la séance de l’après-midi, mais encore des raisons scientifiques de me taire pour ne pas changer le cours d’un entretien que je voulais juger objectivement, et dont la valeur a été universellement reconnue comme nulle, même par ceux qui ont le devoir de le défendre.

Je vous prie d’agréer, Monsieur le Secrétaire Général et cher Monsieur, l’assurance de mes sentiments cordialement dévoués.

Daniel Devoto

 

Justificación de un silencio

El título adoptado para la mesa redonda del 28 de febrero de 1978 en la Casa de Velázquez era lo suficiente claro – Escritura y ejemplaridad en la literatura española medieval – y a un tiempo lo bastante elíptico como para permitir una cómoda movilidad a los expositores, y aun tal vez una generosa comodidad en la elección de éstos: latitudes ambas que no quedaron sin aprovechar. La sesión de la mañana ofreció un excelente ejemplo positivo con la contribución de Pierre Heugas sobre los Milagros de Berceo, sin duda lo más sustancial de todo el coloquio. La sesión de la tarde, en cambio – salvando la comunicación relativa a “La investigación británica sobre el tema”, presentada por el profesor Keith Whinnom – no ilustró particularmente ninguno de los problemas explícitos o implícitos en el título de la reunión. La pieza oratoria principal – a juzgar por el tiempo que se le concedía: más del doble de lo otorgado al profesor Whinnom – corría a cargo del profesor Francisco Rico; cerraba el acto un “Balance provisional: apuntes para una teoría de la ejemplaridad en la escritura medieval”, seguido como todas las demás comunicaciones, de una “discusión”, pertinente o im-.

Fuerza fue confesar que ningún balance ni conclusión, siquiera provisionales, pudieron establecerse. Las razones para ello eran múltiples: quizás la más aparente fuera la falta de un cuadro cabal de trabajo, como consecuencia de la latitud (o laxitud) del título general. Nadie definió lo que se entendía por “ejemplaridad” – voz todavía más controvertible que su compañera “escritura” – y más de una exposición o acotación permitió sospechar que estos términos cobraban valores semánticos diferentes según los varios interlocutores. Una razón hay empero que se me parece como más terminante todavía, aunque parezca solamente la exasperada amplificación de la que precede: y es la total, o la casi total falta de especialización de no pocos participantes a la reunión, sin excluir a los más notorios. Entendámonos bien: la mesa redonda acogió una junta de distinguidos filólogos, en su mayoría profesores de literatura, y cabalmente informados de todos los problemas literarios y filológicos concernientes a la “literatura española medieval” y “su escritura”. Lo que no resultaba evidente eran sus competencias en lo tocante a la “ejemplaridad”, que no fue ni es un hecho de pura y simple “escritura” literaria, y que ni siquiera es un fenómeno simple y puramente medieval. La claridad con que esta situación se me presentaba decidió mi voluntaria abstención en la sesión de la tarde, cumplidos ya los gratos deberes que la distinción que se me otorgó y la cortesía de la recepción exigían. Pero me parecería indigno e la confianza que en mí depositaron los organizadores el renunciar al examen de las razones que motivaron el funcionamiento adverso de la reunión, y a exponer algunos ejemplos que considero aclaradores.

Volviendo al planteo precedente – necesidad de una particular competencia en materia de literaturas no escritas –, es indudable que los grandes maestros de la Filología Románica que ilustraron el siglo pasado tenían de la literatura medieval y sus problemas una visión mucho más amplia y rica que la nuestra. Basta recorrer los índices de sus revistas (Romania, Zeischrift für romanische Philologie, o sus homólogas italianas) para apreciar, junto a la descripción de manuscritos, los problemas etimológicos y los variados estudios sobre diferentes problemas literarios, la importancia concedida a la tradición oral contemporánea, y la riqueza de hipertonos que esta actitud agregaba a sus trabajos sobre la narrativa medieval. Mientras que hoy, por ejemplo, la Revista de Filología Española delega o relega a la Revista de dialectología y tradiciones populares casi todo lo concerniente al campo folklórico, Gaston Paris trataba con idéntico escrúpulo tanto a la vieja historia poética de Carlomagno como la reciente historia poética de Pulgarcito, porque las dos participaban, para él, de ambos terrenos, literario y folclórico. Milá y Fontanals mantenía, al ocuparse del romancero tradicional catalán o del canto de la Sibila, la misma categoría de cuidadoso precursor que luce en sus trabajos sobre la pura ‘escritura medieval”. No todo lo que en esta materia nos dejaron esos maestros es hoy entera y totalmente válido (que así sucede con toda labor humana), pero lo que interesa reconocer es que, cuando se escribieron, sus trabajos estaban al tanto de cuanto más adelantado se hacía en los dos campos tratados, ya en materia de literatura medieval, ya en lo referente al estudio de la tradición. Desdichadamente, los que vinieron después no conservaron idéntico dominio sobre ambos campos; y los que reconocen (y son los menos) el interés de la materia tradicional para los estudios literarios, van perdiendo paulatinamente contacto con los especialistas del folklore, y mantienen todo lo más – en lo relativo a esta disciplina – conceptos y formas de trabajo heredadas de sus maestros en literatura y filología, desentendiéndose de la inmensa labor realizada a ambos lados del Atlántico sobre el campo de la tradición oral.

Tomemos como ejemplo el caso del indiscutido maestro de la filología española, Don Ramón Menéndez Pidal: ni en su discurso sobre El Condenado por Desconfiado, ni en las sucesivas y reiteradas adiciones que lo prolongan, va más allá de Paul Meyer ni atiende del todo los trabajos de Köhler, Simrock, Gaster, Gerould y sus sucesores (y nombro solamente a los que él nombra): con los auxilios que él desatiende, ha sido posible ofrecer un cuadro algo más completo que el suyo de ese preciso tema narrativo tradicional. Y lo que vale para el maestro vale también para sus continuadores: Diego Catalán, al tratar de romances tradicionales, tiene que explicar, para hacerse entender, su nomenclatura familiar (véase en el Bulletin Hispanique, 61 (1959), pág. 150, la nota 3 de una veintena de líneas), reconociendo además que su terminología está lejos de ser terminante: “Naturalmente es imposible establecer una división tajante entre motivos y variaciones”; naturalmente que ello es imposible, si damos a estas voces el sentido que les da él, pero está lejos de serlo si seguimos las denominaciones universalmente aceptadas; y no se censura el hecho de presentar una risueña originalidad, sino el de ignorar (o postergar, que sería peor) un vocabulario técnico establecido, porque con ese vocabulario se eclipsa también el saber que lo ha codificado. ¿Qué pensaríamos de un médico o de un ingeniero que tuviera que traducir a sus colegas sus personales términos de anatomía o de matemáticas? Los ejemplos de esta impermeabilidad frente al hecho tradicional podrían multiplicarse: hace algunos años Bruce Wardropper se interrogaba sobre la canción “Las puentes se han caído”, utilizada por Ledesma, sin vincularla – siquiera en recuerdo del “London Bridge is falling down” – con la larga teoría de sacrificios propiciatorios de la construcción que perpetúan los juegos y las canciones populares, ya más que satisfactoriamente estudiados. El mismo descuido por el ámbito tradicional lleva a estudios tan poco “ejemplares” como el infortunado de Georges Cirot sobre “L’Hirondelle et les petits oiseaux dans El Conde Lucanor” (BHi, 33 (1931), 140-143) o el desdichadísimo de Armand Llinarès sobre “Deux versions médiévales espagnoles de La laitière et le pot au lait (RLC, 33 (1959), 230-234); y hasta un cervantista diplomado como Avalle-Arce ignora, en su más asediado como en la novela pastoril, la contribución de una superstición difundidísima. Pero tan peligrosa como la ignorancia de la materia tradicional es una aproximación insuficiente: en esta misma publicación (t. VIII,

[las diez líneas finales de la página no han sido captadas por la fotocopiadora]

[Itinéraire du conte mé]diéval de Rameline Marsan, “que comenzando por una introducción histórica y cultural, pasa al estudio de las obras y de los autores, y después, en forma muy útil, de los temas”. El libro de la Srta. Marsan es un solo disparate de setecientas páginas de largo, que sobre ignorar todo lo referente al estudio de la narrativa, ignora cuanto puede ignorarse de la literatura española y universal: para atenernos a algo de lo “histórico y cultural”, Berceo va bajando en él del siglo XIII para preceder, en el XI, al Poema del Cid (págs.138 n. 11, 156, 323, 669 y 681: dataciones todas diferentes); como la autora no sabe muy bien quién fue el profeta Daniel, lo coloca por dos veces “dans la fournaise” donde nunca estuvo, y, naturalmente, su conocida actuación en el “caso” de la casta Susana se convierte para ella en un relato árabe “aux origines certaines (!!!), bien hispanisé, en accord avec la réglementation fixée par le Fuero de Jaca “y no por el Deuteronomio (págs. 315, 546 y 562). Baste ahora con estos exempla, aunque me han sido necesarios media docena de páginas del BHi para ventilar tan sólo lo más gordo. Si este es uno de los dos “estudios fundamentales” sobre la narrativa medieval aparecidos últimamente, y si trata “en forma muy útil de los temas”, debe agradecerse al profesor López Estrada el caritativo silencio que guarda sobre el otro “estudio fundamental”; pero su juicio sobre éste permite abrigar cierta inquietud sobre su capacidad para dirigir una discusión centrada en la materia narrativa.

El expositor vespertino, designado por el propio Profesor López Estrada, parecería prometer una promisorísima ponencia, bautizada “Escritura y ejemplaridad del yo medieval”. Debo confesar (y mi situación es también la de muchos otros presentes) que me es imposible resumir la extensa improvisación del profesor Rico: sólo recuerdo que tras manifestar que sólo aportaba unas cuantas notas aisladas “que quizás no escribiría”, trató en seguida de Petrarca (cuyo yo medieval confieso no apreciar suficientemente) para seguir luego con los trovadores (cuya “ejemplaridad” literaria, para mí misteriosa, no se me aclaro en exceso por lo aportado); puedo asegurar además que el orador no explicó ni lo que entendía por “ejemplaridad” y por “yo medieval”, ni en que ese yo medieval se diferenciaba del yo a secas. En realidad, no cabía esperar del ponente ninguna orientación relacionada con el Folklore, disciplina ésta que le es enteramente ajena, como puede verificarlo quien recorra por su contribución al homenaje a Rodríguez Moñino, exposición que debería rondar – y no ronda – por esas regiones del saber. En su totalidad, la disertación del profesor Rico apareció como una fulgurante rapsodia (empleo a sabiendas la voz “fulgurante” en la acepción mitológica que le dan Jung y Kerényi, porque esta condición constituye su única contribución de índole tradicional a la asamblea), rapsodia que ratifica la envidiable versatilidad con que el joven erudito puede consagrarse a “todas las cosas y muchas otras más”, estén o no todas ellas incluidas entre la temática ofrecida al auditor.

Todo esto, dicho en la reunión, hubiera sido improcedente por muchas razones (la primera, mi deuda de cortesía con las autoridades de la Casa de Velázquez), y hubiera cobrado muy probablemente un desagradable matiz personal que no entra en mis intenciones críticas. Escrito ahora, reposadamente, es solo la opinión de un investigador sobre la labor de otros investigadores, y se la expone afrontando el riesgo de que sea invalidada por opiniones contrarias, también debidamente fundamentadas. Dicho eso, pasemos a lo que podría ser la contribución de mi experiencia a un debate sobre esta temática.

Con alguna intención cerré mi actuación de la mañana emparejando un recuerdo de infancia (el de un relato hecho por una prima de mi padre) con la lectura reciente de un relato ejemplar idéntico: “Pouilloux”, de Marcel Jouhandeau. La historia es conocidísima (baste citar el artículo de E. von Richthofen sobre los cuentecillos intercalados en el Corbacho de Alfonso Martínez de Toledo, aparecido en el Zeischrift für romanische Philologie, 61 (1941), 417-537; las páginas 18-21 y 423 de Les fabliaux de Bédier; el estudio de Giulio Bertoni “Il fabliau detto du pré tondu, en ZRPh 34 (1912), 488-489; el vocabulario de Correas, etc.). En mis dos versiones (una oral, de procedencia italiana; la otra francesa, y más que literaria), ambas idénticas entre sí, y diferenciadas de las versiones españolas más difundidas (véase ahora los textos reunidos por Maxime Chevalier, Cuentecillos tradicionales en la España del Siglo de Oro, págs. 195-198, y Folklore y Literatura: el cuento oral en el Siglo de Oro, pág. 135), el rasgo sobresaliente era la intervención del narrador – directa en el caso oral, en esguince en la versión escrita –: mi pariente la daba como algo sucedido en su tierra natal, cerca de Génova, y Jouhandeau la introduce en Chaminadour II, donde se acusa de haberse contentado con “noter le sujet des fabliaux qu’un autre écrira” (¡nada menos!) entre “la foule des petits faits” que dan realidad literaria a su aldea nativa. Los dos narradores se acogen, en grado diverso, a esa “ley de egocentrismo” folklórica, codificada hace cerca de un siglo, válida para el “yo medieval” (aunque se lo ignore) y para el yo del siglo XX, por la cual el que cuenta se presenta a sí mismo como el héroe o por lo menos como el testigo del hecho tradicional que refiere, y que opera no solo en los exempla medievales, sino en todas las épocas de la historia literaria. Tenemos un ejemplo excelente y reciente: el estudio, por mi maestro Marcel Bataillon, de la actividad de “Erasmo, cuentista”. En su Convivium fabulosum, se narran diversas historietas, “todas las cuales se refieren a la experiencia inmediata, reciente”: la del ladrón de Amberes, la del nabo ofrecido a Luis XI. Pertenecen todas al tipo de narración que “Diderot llamará históricas” por su “forma autobiográfica”, por su “historización”. En una de las menos conocidas, Luis XI recompensa con cuarenta ducados a un servidor que le quita un piojo y castiga al ambicioso que finge repetir el gesto con una pulga, parásito de perros y no de personas. La anotación registra la traducción alemana de esta historieta por Christian Egelnoff – el título de su colección Scherz mit der Wahrheyt (1550) es todo un programa – y busca en los refraneros españoles la explicación de un “aire típicamente folklórico”. Tan típico y tan folklórico es, y tan del “yo contemporáneo”, que la oí, allá por los años treinta, en Buenos Aires y de boca de una criada, Beatriz Videla, y también allí no como “cuento” sino como “sucedido”, localizado en la provincia de la narradora, San Juan, en un campo de institución militar para jóvenes conscriptos; el relato era idéntico, variando solamente lo que certificaba la autenticidad del “yo narrador”: en lugar de Luis XI, “mi teniente”; en vez de “cuarenta ducados”, “tomó cinco pesos”. Todo lo demás, invariado: invariado el relato, invariado el “yo narrador”, aunque allá renacentista y aquí de este siglo cuyano.

La interferencia de la narrativa tradicional con la creación literaria no se limita, pues, a la “escritura” medieval: puedo dar otro testimonio personal de ello. En el primer libro de ficciones de Alonso Zamora Vicente, Smith y Ramírez, figura una versión del relato que podría llamarse “el baile con la muerta”: en una reunión, el héroe se interesa por una de las asistentes, baila con ella repetidamente y la acompaña luego hasta donde ésta le permite hacerlo; al ir a buscarla, al siguiente día, se entera de que su pareja ha fallecido hace tiempo. Dentro de una elaboración muy diferente, el hecho de volver a vivir en y para el baile constituye también la osatura de “Las puertas del cielo” de Julio Cortázar; pero un relato casi idéntico al de Zamora Vicente se recoge entre los recuerdos profesorales de Jouhandeau, y cualquier profesor de literatura, castellana o comparada, podría caer en la tentación de establecer una filiación estrictamente literaria entre el escritor francés y el autor español: yo mismo hubiera podido pensarlo, de no haber estado presente cuando otro colega, el profesor Bruzzi Costas, relató la historia a Zamora Vicente como un hecho que corría entonces por Buenos Aires (para mí, algo mayor que el narrador, que volvía a correr) y que se localizaba exactamente en los alrededores del viejo cementerio de La Recoleta: una vez más el relato, “ejemplar” o no, se presentaba como suceso real y actual, y accedía, por vía oral, al ámbito de lo escrito.

La prescindencia de la dimensión tradicional puede llevar a establecer comparaciones – y aun filiaciones – literariamente irreprochables (a primera vista) pero por lo menos insuficientes, como que soslayan lo más importante: esto es, la naturaleza recurrente del relato, dada por ese “algo” específico que lo fija en la memoria colectiva. Unos pocos ejemplos servirán para ilustrar mejor lo afirmado, es decir, la necesidad de completar el estudio de la narrativa “escrita” o “literaria” por el de la “oral” o “tradicional”, y la utilidad que resulta de esta complementariedad. En su pulidísima y utilísima edición de los Miracles de la Verge Maria (Colección catalana del siglo XIV), Don Pedro Bohigas presenta y anota (Milagro XI) el caso de la mujer más bella de Picardía, que osó comparar su hermosura con la de Nuestra Señora (y eso después de un interrogatorio tradicional similar a la de la madrastra de Blanca Nieves ante su espejo): “Encontinent vench un bufó espaventable, e assigué’s en la cara d’aquela dona, e posà-li la coa en la boca a lo cap el front, e manjà-li tot lo front, e la cara podía-li tant rège[a]ment que nuyl hom no s’hi podía acostar”. ¿Es acaso el valor actual de “bufó” en catalán (“rata que va per l’aygua y fa olor d’almesch. Almizclera, ratón acuátil o de agua”. Pere Labernia y Esteller, Diccionari de la lengua catalana) lo que ha descarriado al Glosario? Lo cierto es que éste da bufo “especie d’animal”. Se trata, sin embargo, de un latinismo indudable, bufo-onis, “sapo”; y tanto es así que el castigo de la dama sin mesura es una pena que procede – como las fórmulas de su hybris – de la narrativa tradicional: el “Undutiful son punished by total clinging to face” es un motivo conocido que lleva el número Q.551.1 en el Motif-Index de Stith Thompson.

Si el recurrir a la tradición folklórica puede iluminar uno o varios rasgos de un relato que conocemos por su “escritura” (aun “medieval”), idéntico auxilio proporciona la tradición para que entendamos mejor ese relato en su totalidad: tenemos un caso reciente y literariamente bien iluminado, el de Le malentendu de Camus. Contamos con varios buenos planteos literarios de esta pieza de Camus y sus análogos, incluyendo – naturalmente – su prefiguración à L’étranger (el tema había sido estudiado, por lo menos, desde la edición ampliada – por Wilson que utilizó las notas de Liebrecht – de la History of prose fiction de Dunlop. Francisco Ayala lo utiliza para centrar en él su estudio sobre “Experiencia viva y creación literaria. Le malentendu”, publicado en Sur a comienzos de 1959 e incluido después en su libro Experiencia e invención. Centrándose también sobre Camus, Reino Virtamen (“Camus, Le malentendu and some analogues”, en Comparative Literature, 10 (1958), 233-240) compara el tratamiento literario de esta obra teatral con las piezas de George Lillo Fatal curiosity (1736), Der vierundzwangzigste Februar de Zacharias Werner (1820, señalando al pasar la referencia a esta obra en De l’Allemagne de Mme. de Staêl) y las News from Perrin in Cornwall (1618), fuente para él de Lillo; se refiere también à la “Ballad of Billie Potts” de Robert Penn Warren (publicada en 1944) que sitúa el hecho en la frontera de Kentucky. En la misma revista (Ibid., págs. 376-377), Maria Kosko, que anuncia su trabajo bajo el tema, critica el de Virtanen en varios detalles, y proporciona – sin mayores precisiones –, numerosas recurrencias del tema y los nombres de algunos estudiosos que se han ocupado de él (Köhler, Bolte, Wesselski, Brahm, Minor).

No he encontrado en la crítica francesa – con la excepción de la escueta alusión de Maria Kosko, “un livret d’opéra français” – mención alguna de la pieza análoga de Jean Cocteau, Le pauvre matelot, a pesar de su doble ámbito de difusión, la esfera puramente literaria y la musical. Como en la obra de Cocteau se hace también mención de los periódicos ((“Sait-on jamais! On raconte / les choses les plus incroyables. / Il s’en trouve chaque matin sur le journal”), quise saber qué sabía Cocteau de sus fuentes, y gracias a la intervención de mi inolvidable maestra Jane Bathori, – primera reveladora del “Groupe des Six” apadrinado luego por Cocteau – obtuve de él la siguiente respuesta:

 

2-9-1959 [fecha del matasellos]

Cher Monsieur,

Le Pauvre matelot est une complainte célèbre (anglaise et américaine) dont je me suis inspiré, comme Camus.

J’ai, du reste, conservé le style de reprise des phrases et l’allure de ces histoires redites de bouche à bouche et rechantées.

Vôtre,

Jean Cocteau

[En el margen] J’ai écrit cette complainte pour un spectacle que nous devions donner avec les Six. Ce spectacle n’a pas eu lieu et Darius [Milhaud] a conservé mes textes.

[Arriba, completando la indicación de la “complainte”:] à l’origine un poème de Longfellow.

 

Sin irlo a buscar al extranjero, donde quizás no esté exactamente, el tema de Cocteau-Camus es conocidísimo en Francia. A fines del siglo XVIII cae bajo la pluma del “Philosophe inconnu”, Louis-Claude de Saint-Martin, en Mon portrait historique et philosophique (1789-1803, publicado por Robert Amadou en 1961), lo transcribe así:

Dans le mois de juillet 1796, un jeune soldat logeant à Tours par billet sans se nommer chez ses parents qui ne le reconnaissaient point pour leur fils, bien qu’il les reconnût bien pour ses père et mère, confia le soir en dépôt à sa mère jusqu’au lendemain une somme d’argent assez considérable. La nuit elle persuada à son mari d’aller tuer le jeune homme; le mari se laisse gagner, le tue et le vole. Le matin, l’oncle qui avait vu le jeune homme la veille et qui savait qu’il logeait là, vient pour le voir. Les parents nient qu’il y soit. L’oncle monte à la chambre, trouve le cadavre; il déclare aux assassins que c’est leur fils; il les dénonce et les fait arrêter.

Auguste Viatte, que reseña el libro de Saint-Martin y transcribe el párrafo citado (Revue d’histoire littéraire de la France, 63 (1963), 321-322), lo comenta con estas palabras:

Dans ce fait divers, on reconnait la trame du Malentendu, d’Albert Camus, que j’avais déjà eu la surprise de trouver chez le conteur canadien Pamphile Le May, source improbable; en aurions-nous ici l’origine première? Il serait intéressant d’en suivre le cheminement, tout comme il l’est de noter la réaction de Saint-Martin: “Si j’eusse été plus jeune, j’aurais fait de ce sujet un drame”.

Para continuar con el tema en Francia, Georges Delarue publica en 1967, según una colección de impresos de finales del Primer Imperio y del reinado de Luis XVIII, pertenecientes al eminente folklorista Patrice Coirault, la “Complainte d’un Père et une Mère qui ont assassiné leur fils revenant de l’armée” (Bulletin folklorique d’Île-de-France, 3e serie, 37, págs. 1132-1133); varios años antes, Jean-Pierre Seguin reseñaba otras tres versiones populares de la misma historia: una de 1881, localizada en la frontera con España, otra de 1848 (reimpresa en 1870 y 1876) que sitúa la acción en la Côte-d’Or, y un impreso parisiense de 1618, que da el hecho como sucedido en Nîmes en octubre de ese año (Nouvelles à sensation. Canards du XXe siècle. Paris, A. Colin, [1959]). J.-P. Seguin agrega en nota unas palabras de Camus, en carta particular, que coincide con la carta más explícita (30 de octubre de 1958) dirigida por Camus à Francisco Ayala: el dramaturgo leyó el relato veinte años atrás, en un periódico francés publicado en África del Norte, durante el verano, período de eclosión de las “serpientes de la mar”. Y es Francisco Ayala el que aporta, antes que nadie, un texto importantísimo a este debate: un pasaje de los Viajes por Europa, África i América de Domingo F. Sarmiento:

En fin, otro llegó de afuera asustado, aterrado. ¿Saben Uds. lo que ha ocurrido en Moral ahora mismo? ¡Cosa horrible! Hai una familia compuesta de la madre i dos hijas; la una casada vive en un paraje no distante, i un hermano que salió niño para América volvía con una buena fortuna en doblones. Llega a casa de la hermana casada, se hace reconocer, i le da cuenta de la buena nueva, anunciándole que va a casa de su madre de quien no se hará reconocer por darle un chasco. Al día siguiente la hermana va a la casa paterna, i signo alguno exterior le indica la presencia de su hermano. ¿I el viajero? pregunta. -¿Qué viajero? le contestan la madre e hija despavoridas. -El viajero que vino a alojarse. -No ha venido nadie, contesta la madre pálida. -Se fue esta mañana, contesta al mismo tiempo la hija. -Pero, madre, era Antonio que venía de América, rico. -¡Antonio! ¡mi hijo! ¡mi hermano! esclaman mezándose [sic] los cabellos, ¡i el corazón no me había dicho nada!… ¡Madre i hermana lo habían asesinado en la noche, por apoderarse del saco de onzas!!!

La compañía que se encontraba en torno del brasero se quedó pasmada; yo veía parárseles a todos de horror los cabellos, excepto a mí, que dije, con tono autoritario, “falso, señores, eso es un cuento”. Todos se volvieron hacia mí, mirándome de hito en hito por la extrañeza de la afirmación, pues sabían que yo no conocía los lugares ni las personas. Ese cuento lo he oído en América hace doce años; la escena tenía lugar en la campaña de Córdova, el mozo volvía de Buenos Aires, y lo mataron como aquí madre i hermana con el ojo del hacha, de donde deduzco que ni entonces ni ahora ha ocurrido tal cosa. Son ciertos cuentos antiguos que corren entre los pueblos. Ya he sorprendido unas cincuenta anécdotas ocurridas en España, en Chile, en Francia, en Buenos Aires, i contando algunas de ellas, logré distraer los ánimos, porque la verdad sea dicha, ya nos moríamos de miedo (Obras, t. V París, Belin hnos., 1909, pág. 189).

El texto de Sarmiento es, repito, importantísimo, por varias razones. En primer lugar, por su fecha: la primera edición de sus Viajes apareció en Santiago de Chile en 1849 (Julio Garcés, Revista de historia de América, n° 46, pág. 595), y a esta fecha límite hay que restar todavía los doce años a que alude el narrador: tenemos aquí la más antigua mención americana de un relato tradicional que lleva el n° 939.A en los Types of the folk-tale de Stith Thompson. Y mientras Cocteau y Camus se refieren a fuentes escritas (un periódico, Longfellow (?): lo mismo – con un cierto margen – de error hace Virtanen; y hasta Viatte, aunque la crea “improbable”, postula una fuente literaria y “originaria” para Saint-Martin), Sarmiento insiste, por primera vez, en su carácter oral – cuento y no sucedido – de la historia. Y, por añadidura, nos pinta el impacto de lo narrado sobre el auditorio. Durante – por lo menos – tres siglos largos, la misma fábula ha suscitado la credulidad (o, por lo menos, la credibilidad) por todos los ámbitos del Occidente (las vagas localizaciones de Maria Kosko incluyen la China y otros rincones del orbe). Y dejando aparte su “realidad” escénica – ya en 1736 un jesuita polaco la escenifica en Varsovia, según la misma Maria Kosko – cada vez que se la narra, con localización espacial y temporal precisas, el yo (¿“medieval”?) del narrador oral o tipográfico (periódicos veraniegos inclusive) se erige en garantía de su realidad vivida. Un hecho no puede relegarse al estudio de la simple relación entre unos cuantos textos literarios, como efecto de la directa influencia de unos autores sobre otros: por el contrario, en cada uno de los casos de penetración del relato en el ámbito literario, se impone une óptica literario-tradicional que condicione diferentemente su estudio. Y más importante que la simple consideración de detalles aislados (papeles respectivos de la madre y del padre, o ausencia de éste; actuación o descarte de una hermana cómplice junto a la madre asesina; papel de la hermana o el tío que descubren el hecho, etc.) aparece el problema de por qué este (y no otro) relato preciso se ha impuesto al narrador (tradicional o literario, lo mismo da, porque las razones para ello deben ser, en un plano fundamental, las mismas). Reino Virtanen ha puesto el dedo en la llaga, sin llegar sin embargo a practicar la primera cura, pero indicando adónde debe apuntar la lanceta del físico:

For Camus this fait divers appears to have had a certain archetypal significance. Its power of suggestion is due partly to its strange resemblance and contrast with two much more famous tales, the parable of the Prodigal Son and the myth of Œdipus. It is, so to speak, the reverse of the Œdipus legend and the polar opposite of the parable (op. cit., p. 232).

Si aparece acertado atribuir al relato, para Camus (y con mayor razón para la totalidad de sus relatores), “a certain archetypal significance”, parece difícil (dejando aparte lo no muy ajustada vinculación con Edipo y con el Hijo Pródigo) admitir que una narración deba su pervivencia a sus parecidos y contrastes con otras. Deben buscarse en la textura misma del relato las causas de su perduración, reconociendo que, como en los icebergs, lo oculto supera en mucho a lo aprehendible (en cuanto al sentido) y que, en cuanto a la difusión, cada fijación literaria supone innumerables repeticiones orales efímeras. Este relato comienza por desarrollar una situación basada en un resorte sicológico profundamente humano: la codicia, la desmedida codicia de los bienes ajenos, y lo presenta en un cuadro que ofrece, al parecer, todas las posibilidades de buen éxito y que es casi tan viejo como la pasión que lo habita: ya en Ovidio leemos que

Es la rapiña ya la común arte

de adquirir el sustento en toda parte;

con que no está seguro el peregrino

del huésped que le acoge en el camino.

(Ovidio, descripción de la edad de hierro, según Juan de Robles en el Culto sevillano, pág. 13)

Y este planteo recibe, en el relato popular, su castigo: su múltiple castigo. Sobre la punición recaída en la sangre de su sangre, que él derrama, el criminal comprueba la inutilidad de su crimen: un respeto mayor de las relaciones humanas, un mejor dominio de sí, hasta simplemente un poco más de paciencia le daban, por añadidura y sin culpa, lo que su culpa le ha hecho perder. Poco importa que la justicia humana aporte su castigo suplementario: el héroe (negativo), y con él los narradores y espectadores – lo hace palpar Sarmiento – experimenta dentro de sí las consecuencias de haber infringido la ley.

¿Puede hablarse siempre de difusión en el caso de esos relatos que ruedan por el ancho mundo? Otro ejemplo nos planteará ese preciso problema. Mi llegada a Francia coincidió con el impacto del film japonés Rashomon. Aunque en el comité que lo apadrinaba figuraba en lugar muy preeminente el director de Romania, Mario Roques, máxima autoridad en materia de literatura medieval francesa, nadie señaló la inquietante semejanza del cuento de Akutagawa Ryûnosuke que sirve de base a la película con la vieja novela francesa La fille du comte de Ponthieu. En ambos relatos, la primera reacción de una mujer violada ante su marido atado a un árbol no es de tratar de cortar sus ligaduras, sino de darle muerte. El tratamiento novedosamente polifónico del escritor japonés difiere notablemente de las dos versiones medievales francesas que corren, por diferentes cauces, a un sensible happy end, pero el meollo del sucedido es uno y el mismo: presenciamos una misma situación y un mismo comportamiento en la heroína. Sin embargo, no cabe pensar en una transmisión directa de un texto a otro, y carecemos de eslabones intermediarios que los liguen – ni la versión modernizada del texto francés ni el estudio en ruso pueden invocarse –; Akutagawa procede directamente de una colección japonesa tan vieja como las versiones francesas antiguas, y entre ella y estas no cabe la posibilidad de transmisión ni de contacto. Precisamente porque la hipótesis de una poligénesis narrativa se impone, debemos buscar qué es lo que la justifica: y vemos que es la posición del yo narrador ante la conducta del protagonista, que es la misma toda vez que una catástrofe similar lo arrasa: esa mujer no encuentra que el mundo sea bastante ancho para contener a dos hombres que la hayan poseído y lo sepan. Tal es la historia de la mujer de Candaules de Heródoto a Gide; tal es el resorte trágico que en los Nibelungos provoca la muerte de Sigfrido; y cuando se quiere olvidar y aceptar la incurable humillación recibida, la historia acaba, como en la Luz de domingo de Pérez de Ayala, no con la muerte de uno, sino con la muerte de la destruida pareja.

La consideración de estos varios casos no es ociosa, ni surge del deseo de complicar un debate ya extinto ni de querer mostrar más sutileza que tal o cual colega. En la vasta problemática de la narrativa, uno de los escollos principales lo constituye la diferente función del mismo relato, mito allá, cuento aquí, acullá leyenda (sumadas además todas las posibles complicaciones literarias: un chistecillo recogido por Galtier-Boissière reaparece, poco años después, transfigurado en cuento serio en un volumen de narraciones terroríficas). En el caso preciso de la literatura ejemplar, que acoge relatos de variadísimo calibre, el examen de las dos fuerzas opuestas que sobre ella operan puede ayudarnos a precisar y delimitar su carácter, a aprehender mejor qué es un exemplum y cuál es su papel en la “escritura medieval”. Por un lado tenemos la despersonalización que los estructuralistas han puesto, con tanta (excesiva) claridad, de relieve: los personajes cuentan por su situación y sus acciones y no por su persona, así como el cuento nos presenta “un rey”, “la madrastra”, “la hija mejor” o “el hijo menor” de tres hermanos o hermanas, sin nombres las más de las veces. Y esta fuerza abstrayente la hemos visto funcionar todos cuantos hemos contado u oído contar “cintas de biógrafo”: “el muchacho”, “la chica” (o “la muchacha”), “el traidor” o “el malo” – a veces “el villano” – bastan para caracterizar la fábula, y cada uno de ellos obraba como lo que era: ser y actuar eran (y son) sinónimos (los padres de Le malentendu y sus análogos dejan de obrar como padres, es decir dejan de serlo, y reciben, entonces y por ello, su castigo; el marido que deja de obrar como marido provoca la catástrofe). Frente a esta despersonalización funcional actúa la fuerza contraria, que es la que proporciona la funcionalización complementaria del relato mediante su actualización, su “desabstractización” o su “repersonalización”: el yo – siempre un yo actual, así sea en los siglos pasados – y la localización de es yo testigo o protagonista arrastra consigo, dan vigencia de ejemplo al relato, y mediante su veracidad y su realidad “verdadera” (condición sine qua non del género) hacen de lo contado un relato ejemplar.

Sirva lo dicho para establecer, de manera incontrovertible, la influencia de la materia narrativa oral en la literatura novelesca escrita. Si la tradición interviene activamente en el siglo XX, no hay razón para rechazarla a priori en los tiempos medios, dotando al “yo medieval” de dos buenos ojos para aprenderse colecciones enteras de exempla (que sí los tenía y empleaba) y tapiándole ambos oídos para que no escuchara lo que una literatura tradicional – tan fuerte, por lo menos, como la de hoy – le gritaba a voz en cuello: como que era la fuente principal de los repertorios escritos de exempla y de las colecciones de cuentos, cuyas semejanzas entre sí y con los repertorios de las otras culturas no pueden explicarse por la simple transmisión escrita. Sobre esta base innegable, pueden postularse dos conclusiones, todo lo provisorias que se quiera y todo lo perogrullesca que no quisiera yo reconocer que son. Una es que solo perviven, reapareciendo recurrentemente (o aún reengendrándose) relatos que interesan profundamente a quienes los narran y a quienes los escuchan, sujeto activo y sujetos pacientes que pueden ser como la Carmen de Meilhac y Halévy, una sola persona: “Je chante pour moi-même”. Solo corren relatos – sean estos tragedia o chascarrillo – que interesan profundamente: el doble sentir de “interesar” y las resonancias de “profundamente” me satisfacen más, siendo lo mismo, que reputarlos provistos de “a certain archetypal sgignificance”. La otra conclusión está bien asentada: y es que frente al relato recurrente, y a su posible (y aun necesaria) esquematización, el yo del narrador (medieval o futurista, protagonista o espectador) proporciona el imprescindible elemento de veracidad, de contemporaneidad, de “tangibilidad”, de “hecho probado” (en una palabra, de actualización, de cosa próxima, viva, o por lo menos vivida: los tiempos de Luis XI para Erasmo) que hace del relato – anécdota, cuento, novella, chascarrillo – una cosa real y por lo tanto ejemplar; que le imparte carácter, posibilidad y funcionalidad de exemplum.

Daniel Devoto, C.N.R.S., París

 

Daniel Devoto redactó este texto con cierta premura, a juzgar por algunos deslices formales, como cruces de formas francesas y castellanas (argentinas, mejor dicho), y una redacción algo atropellada. De hecho, es un anticipo de la defensa de la Tesis que presentó en la Sorbona (si bien recuerdo, en febrero de 1980) y a la que asistí, incluso en varias formulaciones. Los dos últimos párrafos procuran volver a centrar el propósito en la temática de la jornada de la Casa de Velázquez, pero solo lo consiguen en parte, porque el desarrollo principal va por otros rumbos. También Devoto se muestra contrario a algunos participantes en la jornada, principalmente Francisco Rico al que deparó no pocos ataques durante la cena final (por desgracia, compartieron la misma mesa, presidida por la señora Chevalier, esposa del Director de la Casa, que se las vio moradas para conseguir que la cena terminara sin que corriera la sangre, gracias, hay que decirlo, a que Paco se mostrara conciliador). La agresividad que manifiesta hacia la Tesis de Rameline Marsan no sorprenderá, porque era habitual en él cuando se enfrentaba con una obra que consideraba mala, sin percibir que el tono que solía adoptar deslucía su crítica, a pesar de que no se pueda negar que fuera generalmente justificada. Actuaba del mismo modo en público, como en agosto de 1980, en la sesión final del congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas en Venecia, donde pronunció una dura crítica contra quienes pretendían publicar unos textos sin tener el bagaje suficiente para hacerlo. Como no citó a ninguno en particular, su diatriba cayó en el vacío, no sin que algunos de los oyentes, y yo entre ellos, se sintieran vagamente concernidos.

 

Acertijo aritmético

 

No se me ha olvidado el acertijo aritmético que nuestro padre nos planteaba a menudo:

Pan, pan y pan, pan, pan y medio, cuatro medios panes, tres panes y medio, ¿cuántos panes son?

La respuesta era “once panes”. Pronto di con la clave, la cual consistía en reservar el primer “medio” para sumarlo al último, de modo que dieran juntos la cantidad de 1 pan:

“Pan, pan y pan” son 3 panes; “pan, pan”, 2 panes, lo que suma 5; cuatro medios panes son 2 panes, lo que suma 7 panes; más tres panes, son 10; más los dos “medios”, son 11.

Si la memoricé es, sin duda, porque tenía cierto talento para el cálculo mental, facultad que nuestros maestros no perdían la oportunidad de mantener viva con ejercicios que, en el último año del colegio de niños, alcanzaban un nivel de dificultad muy por encima de las capacidades de los niños de hoy, incapaces de prescindir de sus ordenadores portátiles.

Preocupado por saber de dónde sacara mi padre ese juego, tuve la sorpresa de encontrarlo repertoriado en internet, bajo el título de « adivinanza 6 », como si perteneciera a una serie identificada. Desgraciadamente, la página se limita a proporcionar el resultado del acertijo sin indagar en los orígenes, fallo habitual en la Tela.

Existe otra versión bastante más difícil al no terminar en una cifra redonda:

Pan y pan y medio, dos panes y medio, cinco medios panes. ¿Cuántos panes son? Siete panes y medio.

Desconozco cо́mo mi padre aprendió ese acertijo, sabiendo que no ha sido escolarizado en España ni en Francia (donde llegó a los 15 años); muy probablemente, de la misma manera que aprendió a contar con los dedos.

El que el objeto del acertijo fuera una cosa tan familiar como el pan dice a las claras su origen popular y posiblemente rústico, dada la importancia concedido a ese alimento en la economía campesina. También el monosílabo, al ahorrar la indicación de candidades (“pan” vale tanto como “un pan”), favorecía una enunciación rítmica y finalmente desembocaba en una copla de fácil memorización:

Pan, pan y pan,

pan, pan y medio,

cuatro medios panes,

tres panes y medio.

Formulettes numératives arithmétiques

Formulette arithmétique

 

Dans les Œuvres complètes de Félix Arnaudin (Édition établie par Jacques Boisgontier et Lothaire Mabru, Parc Naturel des Landes de Gasogne , éditions confluences, 1996, T. II « Proverbes de la Grande-Lande »), une section est réservée aux « Formulettes numératives ou arithmétiques » (p. 390-392).

Voici celle qui répond le mieux à cette définition (je reproduis la graphie de l’édition) :

– Un é dus é tres é couate, / sét é oueyt é binte-couate, / binte couate é binte-cin, / sét é oueyt é nau é bin, / tan hén?. Rép. cén crante-dus.

– Un et deux et trois et quatre, / sept et huit et vingt-quatre, / vingt-quatre et vingt-cinq, / sept et huit et neuf et vingt, combien cel fait ?. Rép. cent-quarante-deux.

Elle m’a remis en mémoire une formulette espagnole que mon père m’avait apprise et qui présente certaines analogies avec celle-ci :

– Pan, pan y pan, pan, pan y medio, cuatro medios panes, tres panes y medio, ¿cuántos panes son?

– Pain, pain et pain, pain, pain et demi, quatre demi-pains, trois pains et demi, combien de pains cela fait-il ? Rép. onze pains.

L’opération est bien plus simple que l’exemple landais, pour peu qu’on « retienne » le premier demi (« pain et demi ») pour l’ajouter au dernier de la série (« et demi »), ce qui donne une unité supplémentaire.

J’ai eu la surprise de retrouver cette formulette sur internet, sous l’intitulé « adivinanza 6 » (devinette 6) comme si elle appartenait à une série. Malheureusement le site se contente de donner la réponse exacte sans proposer un historique, comme c’est souvent le cas sur la Toile. On en trouve une autre version, très proche mais plus difficile parce qu’elle ne donne pas un chiffre rond :

– Pan y pan y medio, dos panes y medio, cinco medios panes. ¿Cuántos panes son? Siete panes y medio.

– Pain, pain et demi, deux pains et demi, cinq demi-pains. Combien cela fait-il ? Rép. sept pains et demi.

J’ignore d’où mon père tenait cette formulette, lui qui n’était pas allé à l’école en Espagne. Du moins peut-on supposer qu’il savait compter sur ses doigts lorsqu’il l’a apprise.

Pour moi, si j’ai pu l’assimiler, c’est que j’avais des dispositions pour le calcul mental, faculté que nos maîtres d’école entretenaient par des exercices qui frisaient parfois la haute voltige, telles les fables de M. Saran, en CM2 :

Perrette s’en va au marché. Elle emporte 4 poulets à X francs le poulet, trois douzaines d’œufs à Y francs la douzaine, 5 kilos de carottes, douze choux, huit fromages blancs.. ainsi de suite. Elle rapporte 12 cotelettes de veau à X francs le kilo, 2 kilos d’oranges, deux pains de 4 livres, et un bouquet de roses… Combien lui reste-t-il ?

Nous écoutions attentivement cette énumération, les bras croisés, puis, au signal du maître, nous inscrivions le résultat sur l’ardoise, que nous brandissions au-dessus de nos têtes. Celui qui avait trouvé le chiffre exact recevait un « merle blanc », ce qui me permit de découvrir que les meilleures récompenses sont souvent symboliques.

Moi qui n’avais, pendant mon enfance, qu’une connaissance approximative de l’espagnol, juste assez pour comprendre ce que disaient mes parents, le fait d’avoir retenu cette comptine me laisse perplexe.

J’aurai tendance à penser que le jeu des répétitions et la structure rythmique de ce quatrain, bref sa dimension formelle, est ce qui a favorisé chez moi sa mémorisation.

Pan, pan y pan,

pan, pan y medio,

cuatro medios panes,

tres panes y medio.

 

 

Un juron poitevin

Tête-Dieu pleine de reliques

Dans sa nouvelle, L’enfant maudit, Honoré de Balzac place dans la bouche du duc d’Hérouville, soudard de la pire espèce, le juron suivant :

Tête-Dieu pleine de reliques ! me le donneras-tu ?, s’écria le seigneur en lui arrachant l’innocente victime qui jeta de faibles cris.

Balzac l’a sans doute emprunté à Rabelais qui, dans le chapitre XX du Quart livre, fait dire à frère Jean des Entommeures à l’intention de Panurge :

Teste Dieu plene de reliques, quelle patenostre de Cinge est-ce que tu marmottez là entre les dens ?

Le volume de Rabelais, dans son édition de Lyon de 1552, contient en annexe une Briefve declaration d’aulcunes dictions plus obscures contenües on quatriesme livre des Faicts et dicts heroïcques de Pantagruel, dans laquelle le juron en question est répertorié :

Teste Dieu plene de reliques. C’est un des sermens du seigneur de la Roche du Maine.

Tiercelin de la Roche du Maine (1483-1567) a participé à la campagne d’Italie menée par François Ier, puis a suivi le roi à Madrid pendant sa captivité, à la suite de la déroute de Pavie (1525). Il est connu pour sa bravoure et aussi pour son franc-parler.

Pour le rédacteur de cet index, il apparaît donc que le juron est un emprunt fait par Rabelais. C’est vraisemblable, dans la mesure où les deux personnages sont contemporains et que le château de La Roche du Maine se situe à quelques lieues de Chinon, à Prinçay pour être plus précis, près de Monts-sur-Guesnes. Rabelais a donc pu le connaître, au moins de renommée, et a jugé bon d’adresser ce clin d’œil aux initiés.

L’identification du seigneur de la Roche du Maine au moyen de son juron préféré n’est pas usurpée, si l’on en croit Brantôme[1] :

J’estois avecques luy, à qui il demanda qui j’estois ; il me nomma par mon nom de Bourdeille le jeune. Soudain, il se tourna vers moy en disant « Hé ! mon petit cousin, mon amy, que je te donne l’accolade. Vostre père et moy avons esté si bons parens et amys. Et teste Dieu pleine de reliques (c’estoit son serment) ! que nous en avons faict de bonnes delà les monts, d’autrefois de nostre jeune aage ! »

Dans un autre passage de son livre, Brantôme évoque à nouveau le seigneur de La Roche du Maine. En mai 1562, pour répondre au massacre de Wassy, perpétré par François de Guise, les Réformés, mettant à profit le fait que les garnisons et leurs capitaines eussent abandonné momentanément leur poste pour semer la terreur parmi les populations huguenotes, s’emparèrent d’Angers, puis de Tours, Châtellerault, Saumur, Loudun et Chinon. Celle-ci fut occupée du 24 mai au 11 juillet en l’absence de son gouverneur, La Roche du Maine. C’est en ces termes que celui-ci manifesta son dépit devant pareille mésaventure attentatoire à son honneur :

Eh ! Tête Dieu pleine de reliques, dit-il, faut-il que le Père Eternel gagne Pater Noster ? Je les en chasserai bien. Ce qu’il fit, et jura encore un bon coup que s’il l’eust fait li, et n’y fus rentré, il eust tenu Dieu pour huguenot, et il ne l’eust jamais servi de bon cœur.

Ce juron lui venait donc spontanément à la bouche, aussi bien pour exprimer sa joie que pour laisser libre cours à sa colère. Ce trait n’avait pas échappé à Rabelais. Notre Chinonais n’aurait pas été surpris d’apprendre que le seigneur de La Roche du Maine ne renonça pas à cette habitude, même en ses vieux jours, dans des circonstances que ni lui ni l’auteur de la Briesve declaration, qui pourrait bien être Rabelais lui-même, ne pouvaient évidemment connaître, puique l’édition du Quart Livre eut lieu à une date antérieure, de même que la mort de son auteur. Peut-être même aurait-il été flatté d’apprendre que c’est à Chinon qu’il prononça à nouveau ce juron, en l’assortissant d’une glose qui l’eût rempli d’allégresse tant elle témoigne d’une évidente liberté de ton à l’égard du dogme, au point de friser le sacrilège pour des chrétiens moins larges d’esprit.



[1] Ouvres complètes de Pierre de Bourdelle, abbé séculier de Brantôme et d’André, Vicomte de Bourdeille, avec notices littéraires par J. A. C. Buchon. Paris, R. Sabe, éditeur-propriétaire, MDCCC XLVIII, Tome premier, I. Des hommes, p. 351-353.

Chinon, survol historique

Chinon, au fil du temps

Configuration des espaces

 

Vue aérienne de Chinon prise du NO. Au premier plan, la forteresse ; en contre-bas, la ville-fort et la rangée de platanes qui la sépare de la Vienne ; le pont et l’Île de Tours ; au-delà du pont, le faubourg Saint-Jacques.

La ville de Chinon présente la particularité d’avoir conservé, dans le tracé de ses rues comme dans la structure de ses édifices, la marque des différents siècles au cours desquels elle s’est constituée. Bien des vestiges anciens ont disparu ou sont devenus invisibles, parce qu’ils sont enfouis sous les constructions qui occupent l’emplacement des précédentes, mais ce qui reste est encore considérable. La raison en est que les époques de grand bouleversement urbain ne se sont pas concentrées sur un périmètre unique ; chacune a choisi d’investir un nouvel espace, laissant l’essentiel de la ville antérieure dans son état primitif.

Pour bien comprendre ce phénomène, il suffit de traverser le pont et, depuis la rive gauche, d’observer le panorama qui se présente à nos yeux.

 

Plan du site indiquant ses différentes composantes

Ce qui frappe tout d’abord, c’est la nature du site : à nos pieds, la Vienne, ses bancs de sable et ses berges empierrées ; à l’arrière-plan, le coteau, surmonté de la forteresse ; dans l’espace intermédiaire, la ville médiévale ou ville-fort et ses toits agglutinés. Si on affine l’observation, on constate que cette disposition ne s’arrête pas au pont mais continue bien au-delà, sur la droite, pour peu que le regard ne soit pas arrêté par l’île de Tours qui divise le cours du fleuve en deux bras. En s’éloignant de la Vienne, le coteau libère un vaste espace. On aperçoit à son sommet la muraille récemment restaurée du Fort Saint-Georges, puis un habitat plus diffus entouré de  jardins. En contrebas, un autre quartier descend jusqu’à la Vienne, le Quartier Saint-Etienne, du nom d’un de ses principaux monuments. Enfin, derrière nous, s’étend le faubourg Saint-Jacques.

De la Tour Billard, au bas de la route de Tours, jusqu’au pont du chemin de fer, à 500 m. de là, le dénivelé entre les quais et la rivière est compensé par un talus empierré, surmonté d’un solide muret, de pierre également. Ce sont les ‘perrés’. A intervalle régulier, ils sont interrompus par des chaussées en pente douce, elle-même empierrées, les ‘cales’, sur lesquelles les barges et autres toues déchargeaient voyageurs et denrées. La concurrence de la voie ferrée mit fin à cette activité. L’équipement profite désormais aux pêcheurs, qui maintiennent la tradition des barques à l’ancienne, dont le musée possède une remarquable collection de maquettes. Perrés et cales embellissent le site en matérialisant le rapport étroit qu’entretiennent entre elles ville et rivière. Jusqu’à maintenant, on a su préserver cet ensemble remarquable de l’envahissement automobile.

Pour compléter le panorama, il faudrait ajouter quelques éléments qu’on ne peut voir depuis ce poste d’observation. Vers l’aval, le coteau s’interrompt brutalement, à l’endroit où s’achèvent la forteresse et la ville médiévale. A partir de cette fracture, occupée par la route de Tours, il reprend à perte de vue, en côtoyant la rivière, ce qui interdit toute édification à ses pieds. En revanche, la hauteur est occupée par de nombreuses édifications jusqu’au Prieuré de Saint-Louans. Le quartier Saint-Etienne et le faubourg Saint-Jacques ont chacun aussi son prolongement : la Place Jeanne-d’Arc et le quartier de la gare pour le premier, qui datent tous deux de la fin du XIXe siècle ; le faubourg Saint-Lazare et le hameau de Parilly, au bout de la rue sur digue, pour le second. Enfin, le XXe siècle a investi le plateau qui prolonge vers le nord le sommet du coteau, en y installant des lotissements, des supermarchés et la principale zone artisanale.

 

Survol historique

 

Les bons Tourangeaux sont simples comme leur vie,

doux comme l’air qu’ils respirent,

et forts comme la terre qu’ils fertilisent.

Alfred de Vigny, Cinq-Mars ou une conjuration sous Louis XIII

On croit souvent que seules les grandes villes ont un passé. Chinon, qui n’a pourtant jamais atteint les 10.000 habitants, prouve, au contraire, qu’une petite ville peut avoir une histoire très longue et très riche, et avoir été le théâtre d’événements qui dépassent largement les limites de son petit territoire. Je tenterai de retracer cette histoire en m’appuyant sur la bibliographie mais aussi sur ma familiarité, acquise au cours des années, avec la topographie des lieux et avec les édifices. C’est donc une vision personnelle que je propose ici et non une synthèse de la bibliographie existante et des idées reçues qu’elles a parfois tendance à véhiculer.

Les Temps antiques : Caïno

On chercherait en vain le document de fondation de Chinon : il n’existe pas. Ses origines se perdent dans la nuit des temps. L’ancienne Caïno s’est formée, peu à peu, sur un site qui a toujours été occupé dès que l’homme s’est sédentarisé. Rabelais ne dit rien d’autre, lorsqu’il commente, avec humour mais aussi avec une remarquable acuité, l’étymologie fantaisiste qu’il prête au nom latin de Chinon, Caïno (« la ville de Caïn »).

— Où est-elle ? demande Pantagruel, quelle est cette première ville du monde […] ? — Chinon, dis-je, ou Caïnon en Touraine. […] Je trouve dans l’Écriture Sainte que Caïn fut le premier bâtisseur de villes. Il est donc vraisemblable qu’il a nommé la première de son nom, Caynon, comme ensuite, en l’imitant, tous les autres fondateurs et édificateurs de villes leur ont imposé leurs noms.

                                      Cinquième Livre, chapitre 35

Il faut chercher l’origine de Caïno dans son site et dans son climat. Une large rivière poissonneuse, un coteau calcaire pour s’abriter des crues et y creuser des abris, des pâturages naturels, des terres fertiles, toutes conditions susceptibles de favoriser l’implantation humaine.

Le promontoire rocheux qui domine la Vienne est occupé depuis 3000 ans. Les témoignages matériels de cette présence humaine aux temps préhistoriques, à Chinon même et dans ses environs immédiats, sont nombreux : mégalithes, silex taillés, mobiliers de l’âge du bronze, poteries et restes d’habitats de l’âge du fer pré-romains. L’occupation romaine est attestée par les vestiges de villæ gallo-romaines – rien que dans le secteur de L’Olive, on en dénombre deux – mais aussi par des tombes du Bas-Empire retrouvées à Saint-Mexme, une stèle funéraire et du mobilier archéologique retrouvés sur le site de la forteresse. Le premier habitant répertorié sur le site est un guerrier, probablement un vétéran des légions de César, dont la sépulture, retrouvée dans le Fort-Saint-Georges, date du 1er siècle avant notre ère. Ce secteur a abrité un cimetière jusqu’à la fin de la période gallo-romaine (Ve siècle), ce qui suggère la présence d’un habitat permanent.

 

Stèle funéraire gallo-romaine célébrant un vigneron ou un marchand de vin

(Robert Bedon, Lecture découverte n°14, Société archéologique de Touraine, 2020)

 

La légende du miracle de saint Mexme (vers 446), rapportée par Grégoire de Tours, raconte que la population locale s’était réfugiée dans l’enceinte du castrum où elle fut assiégée par le général romain Ægidius. Privée d’eau depuis plusieurs jours, elle était sur le point de se rendre lorsque les prières du saint homme provoquèrent un orage providentiel qui remplit les citernes et obligea les assaillants à lever le siège. À en croire ce récit, le site actuel de la forteresse était donc fortifié et capable d’abriter une population relativement nombreuse, ce que confirment les fouilles récentes réalisées sur le site qui attestent qu’à la fin de l’Empire, le promontoire était entouré d’une forte muraille de 2,40 m d’épaisseur et comprenait plusieurs tours. En temps ordinaire, la population devait résider dans le prolongement du castrum, vers l’est. Dans ce secteur, on peut voir encore les restes d’une très ancienne et modeste église, dont l’existence remonte au Ve siècle, au vocable de saint Martin, ce qui n’est probablement pas l’effet du hasard.

 

Église saint-Martin restituée (carte figurative Delussay, 1767)

 

Aux ive et ve siècles, en effet, saint Martin, évêque de Tours, s’attache à christianiser les populations locales. Cette figure tutélaire, qui aimait à vivre dans de petites communautés, loin du pouvoir laïc, a inspiré de nombreuses fondations érémitiques dans son diocèse. Celles de Chinon sont toutes situées dans sa périphérie : Saint-Mexme, Sainte-Radegonde, Saint-Louans.

Ces fondations sont toujours actives pendant la période mérovingienne (vieviiie siècles), dont datent les premiers témoignages écrits sur l’existence d’une agglomération. On les doit encore à Grégoire de Tours, qui cite plusieurs fois dans ses écrits (560-580) le castrum (enceinte fortifiée) et le vicus (localité dotée d’une église) de Caïno, ce dernier étant souvent désigné comme un prolongement (suburbium) du castrum. Cette agglomération devait être modeste mais assez importante pour devenir chef-lieu de viguerie et pour abriter un atelier monétaire aux VIIe et VIIIe siècles, puis de 920 à 954, lorsqu’on y transféra l’atelier de Tours, menacé par les Normands. Par ailleurs, la fouille de la nécropole de Saint-Mexme a permis de retrouver des tombes de personnages apparemment riches et puissants.

 

Comtes de Blois et comtes d’Anjou (Xe-XIIe siècles)

À partir du xe siècle, Chinon est l’enjeu des rivalités entre les seigneurs qui dominent le cours moyen de la Loire, les comtes de Blois et les comtes d’Anjou. Les fouilles menées de 2007 à 2012 par le Service d’archéologie du Département d’Indre-et-Loire, sous la direction de Bruno Dufaÿ, permettent de retracer précisément l’histoire de la forteresse. L’histoire de la ville médiévale est, quant à elle, plus difficile à tracer, faute de fouilles systématiques, surtout pour la période qui s’écoule entre le vicus des époques mérovingienne et carolingienne, dans le prolongement oriental du castrum, et la cité médiévale qui se développe au pied de la forteresse, entre le promontoire rocheux et le cours de la Vienne.

Pour ce qui est du château, il est avéré que Thibaut le Tricheur, comte de Blois, fait édifier une tour en pierre dans les années 960, dans l’angle nord-est de l’enceinte antique, isolée par une muraille propre. Par ailleurs, on relève quelques indices (silos, probables fonds de cabane) qui dessinent le contour d’un habitat domanial. On a pu aussi identifier les restes d’un prieuré sur le futur emplacement du fort du Coudray.

En 1044, à la suite de la victoire de Geoffroy Martel (1040-1060), comte d’Anjou, aux dépens de Thibaut III, comte de Blois, Chinon passe pour un siècle et demi aux mains des comtes d’Anjou (1044-1205) : Foulques le Réchin (1068-1109), Geoffroy le Bel, le premier à adopter le nom de Plantagenet (1129-151), Henri II (1169-1183), Richard Cœur de Lion (1189-1199), Jean Sans Terre. Tout au long de cette période, les comtes d’Anjou étendent leur pouvoir : Geoffroy Plantagenet, dit le Bel, devient comte du Maine puis duc de Normandie en 1144 ; Henri II ajoute la couronne d’Angleterre à la mort de sa mère Mathilde en 1154 et Richard Cœur de Lion gouverne le duché d’Aquitaine au nom de sa mère, Aliénor, à partir de 1168.

 

 

Henri II Plantagenet (peinture murale de Sainte-Radegonde, XIIe siècle)

Le destin de Chinon est directement affecté par ces circonstances, parce que sa position stratégique, face au comté du Poitou et à la Touraine capétienne, qui se renforce aussi en absorbant le domaine des comtes de Blois et le comté de Touraine, lui confère un statut de cité frontalière. C’est dans ces termes que le Poème de Guillaume le Maréchal, composé au début du xiiie siècle, fixe les bornes de l’empire d’Henri II en 1189, date de sa mort : “De Baione tresque a Chinon” (“De Bayonne jusqu’à Chinon”). Notre ville et sa forteresse occupent donc une position stratégique, ce qui leur vaut des soins attentifs de la part du souverain. Son prestige est à son comble lorsque la légende arthurienne, qui fit tant pour la renommée des Plantagenets, raconte que Kei, sénéchal du roi Arthur, s’y fit enterrer et que, pour honorer la mémoire du grand disparu, le roi ordonna que l’on donnât son nom à la ville (Keinon).

Par voie de conséquence, les défenses de la forteresse sont renforcées et l’enceinte reprise dans sa totalité, excepté sur le front nord, qui conserve le rempart du castrum. Sous le règne d’Henri II, l’ensemble est prolongé vers l’est par un vaste espace lui aussi fortifié, le Fort Saint-Georges.

Ce renforcement et cette extension de la forteresse ne se conçoivent pas sans un apport de population nécessaire à sa défense et à son entretien. Le site du vicus gallo-romain, trop à l’étroit et trop éloigné de la forteresse et de la protection de ses murailles, ne pouvait accueillir ces nouveaux habitants. Dès lors, s’imposait la nécessité d’édifier une ville nouvelle, dont la superficie d’ensemble et la disposition générale sont visibles aujourd’hui encore. Cette idée dut germer assez tôt dans l’esprit des comtes, mais nous ne disposons pas d’une datation documentaire ou archéologique vérifiable. Du moins est-il permis d’envisager au terme de quel processus ce qui allait devenir la ville-fort fut constitué.

Pour reconstituer la disposition de son noyau primitif, on dispose des informations que fournissent le cadastre bâti et les bâtiments anciens conservés, ainsi que les limites de la paroisse qui fut créée à l’occasion. Ce premier ensemble est circonscrit à l’intérieur d’une muraille qui part du pied de la tour du Moulin, à l’extrémité ouest de la forteresse, rejoint les bords de Vienne, longe la rivière puis remonte vers l’enceinte au niveau du Grand Carroi actuel. Cet espace correspond à l’exacte emprise de la paroisse de Saint-Maurice, puisque la partie de la ville qui se trouve au-delà vers l’est relevait de la paroisse de Saint-Jacques, dont l’église se trouvait sur la rive gauche de la Vienne.

Le long de la voie qui, sur toute la longueur de cet espace, emprunte le pied du promontoire, sont alignés des édifices appuyés, au nord, sur le coteau et ouverts vers le midi, sans qu’il soit nécessaire de supposer qu’il y eût, dès le départ, une rue avec des bâtiments se faisant face. À l’exact milieu et en contre-bas de cette ligne, dont elle séparée par un espace qui est resté vide jusqu’à nos jours, l’église paroissiale est édifiée sur la pente qui descend vers la Vienne, à une centaine de mètres de la rive, par conséquent à l’abri de crues éventuelles.

La date de cette opération urbanistique n’est pas connue, non plus que celle de l’érection de l’église paroissiale. L’étude de l’architecture de Saint-Maurice, qui aurait pu fournir une information précieuse sur ce point, ne permet pas, en l’état actuel de nos connaissances (Claude Andrault-Schmitt…), de remonter au-delà du XIIe siècle, au plus tôt sous le gouvernement de Geoffroy le Bel.

La tradition veut que le pont, qui enjambe les deux bras de la Vienne en prenant appui au centre sur la pointe de l’Île de Tours, ait été construit sous le règne d’Henri II. Il est vrai que la concorde signée par l’évêque Barthélémy et Richard Cœur de Lion en 1190, signale ce pont comme point de partage entre les pêcheries relevant du roi et celles relevant de l’évêque. De même, Guillaume le Maréchal le mentionne expressément lorsqu’il relate la mort du roi en 1189, les pauvres étant empêchés de le franchir pour venir demander l’aumône auprès de la dépouille du roi défunt. Peut-être ne faut-il pas écarter une confusion entre le pont sur la Vienne et le pont de la Nonnain, étroite passerelle en bois s’appuyant sur des arcs en pierre qui, sur la rive gauche, permettait de franchir à pied les marais jusqu’au faubourg Saint-Lazare. Mais, dans ce cas précis, on ne comprendrait pas que la concorde de 1190 s’y réfère pour diviser le cours de la rivière entre amont et aval.

La construction d’un pont sur la Vienne peut, par conséquent, sans trop de risques d’erreur, être attribuée à Henri II. Autant il est peu vraisemblable de la situer à une époque où Chinon constituait le point extrême du comté d’Anjou, car il aurait affaibli les défenses de la place, autant il se justifie dès l’instant où le Poitou passe sous l’autorité des Plantagenets, après le mariage d’Henri et Aliénor, car il facilite la communication directe entre deux territoires amis. La valeur stratégique de ce pont est soulignée par le fait qu’il ne concerne pas la ville nouvelle mais qu’il la contourne par l’est pour rejoindre directement la forteresse. Il a donc bien été conçu pour établir une relation directe entre le château, la cour, ses fonctionnaires et sa garnison et le duché voisin. On ignore s’il fut d’emblée construit en pierre ou s’il comporta pendant un certain temps une passerelle en bois.

Sous le règne d’Henri II, roi d’Angleterre, duc de Normandie, comte du Maine et d’Anjou et duc consort du Poitou, Chinon joue un rôle important dans l’administration des possessions continentales de cet immense domaine. Les fouilles menées sur le site du Fort Saint-Georges ont révélé qu’il y édifia un vaste édifice, dont la fonction présumée était d’abriter un personnel nombreux, chargé d’administrer ce vaste territoire.

Vue d’ensemble des fouilles réalisées au Fort Saint-Georges, où l’on découvre les fondations des importants bâtiments qui y furent édifiés au XIIe siècle.

 

L’ampleur de ces travaux puis les facilités qui en résultent pour un souverain contraint à de fréquents et lointains déplacements à travers l’immense territoire qu’il gouverne, conduisent Henri II à se rendre souvent à Chinon et à y séjourner. Par ailleurs, il y retrouve ses enfants pour y fêter la Noël ou Pâques, comme en 1172, où ils accomplissent ensemble un pèlerinage à Sainte-Radegonde, dont la belle peinture murale semble porter témoignage. On comprend mieux, aussi, qu’il y ait eu dans la forteresse une Tour pour abriter le Trésor royal.

Henri II meurt dans le château le 6 juillet 1189, après une douloureuse entrevue avec le roi de France, Philippe-Auguste, au cours de laquelle il apprend de la bouche de son ennemi que son fils préféré, Jean Sans-Terre, l’a trahi. Le roi n’a sûrement pas choisi de mourir à ce moment et en ce lieu, mais il semble certain que la forteresse de Chinon était apte à accueillir un événement de cette importance. C’est d’ailleurs là que la reine Aliénor se rend, après la mort de son mari, lorsque son fils Richard Cœur de Lion la fait libérer de la prison anglaise où elle croupissait. De même, pendant son court règne (1089-1099), Richard y fait de nombreux séjours et y signe de nombreux documents. Il est possible qu’après sa blessure mortelle subir à Châlus, sa dépouille ait fait étape à Chinon, sur le chemin de Fontevraud où Aliénor organisa les funérailles de son fils. C’est, du moins, ce que prétend une légende locale non vérifiée mais soigneusement entretenue. Enfin, Jean Sans-Terre y épousa Isabelle d’Angoulême, qu’il venait d’arracher à son rival Lusignan.

Tous ces faits cumulés concordent à assigner à Chinon un rôle important à l’époque des souverains Plantagenets. Il serait sans doute excessif d’en faire une capitale du domaine continental des rois d’Angleterre, mais on peut affirmer qu’elle fut une résidence privilégiée de cette dynastie.

 

Chinon, cité royale française (XIIIe au XVe siècles)

Le roi de France Philippe Auguste s’empare de la forteresse après un long siège, en 1205. Chinon est annexée au royaume de France et n’en sortira plus. Cependant, c’est encore en ses murs, probablement dans l’enceinte du château, que fut signée en septembre 1214 une trêve de 5 ans entre Philippe-Auguste et Jean-Sans-Terre, qui entérinait la perte par le roi d’Angleterre du Maine, de l’Anjou et de la Touraine.

Dans la nouvelle carte politique du royaume, notre ville n’occupe plus la position privilégiée qui avait été la sienne sous les Plantagenets, mais les rois de France ne la négligent pas pour autant. Ils lui accordent le statut de ville royale, qu’elle conservera jusqu’à la Révolution, même si, à partir de 1633, le cardinal de Richelieu détournera certains droits et revenus dus à la Couronne au profit de son duché-pairie. En 1323, lorsque le bailliage de Touraine fut séparé de celui d’Anjou, il fut doté de deux sièges, l’un à Tours, l’autre à Chinon. Lors de la création des élections (circonscriptions financières), notre ville fut désignée chef-lieu au-début du xve siècle. Ces titres successifs valaient aux villes qui en jouissait un prestige que n’avaient pas les cités placées sous l’autorité d’un seigneur, civil ou ecclésiastique. Elle en tirait aussi l’avantage d’abriter dans ses murs une administration conséquente qui se mettra peu à peu en place : gouvernement, pour le politique ; tribunal pour le judiciaire ; divers administrateurs chargés de la perception des impôts directs ou indirects (gabelle, droits d’octroi sur le commerce fluvial et terrestre) ou de la gestion du patrimoine (eaux et forêts). Autres effets bénéfiques de cette reconnaissance officielle : dès sa conquête par Philippe-Auguste, le système de défense de la forteresse est renforcé par l’érection d’un nouveau donjon, la tour du Coudray, séparée du reste de la forteresse par de nouvelles douves.

 

Développement de la ville-fort

Au cours des deux siècles suivants (xiiiexive), la ville-fort se densifie. L’alignement d’édifices sans vis-à-vis au bas du promontoire se double bientôt d’une nouvelle ligne d’édifices pour former une rue continue, à l’exception de la portion qui domine l’église Saint-Maurice. Ainsi, des études de dendrochronologie menées sur la charpente de l’hôtel Bodard de la Jacopière, sur le bord sud de la rue Haute, datent son érection au XIVe siècle. Les constructions finissent par déborder le cadre primitif. La rue Haute se prolonge vers l’est et dépasse peu à peu le Grand Carroi, qui devient le centre de l’espace urbain dans son étape finale, à la croisée de la rue Haute et d’une voie nouvelle qui permet d’accéder du pont au château.

 

Le Grand Carroi, la Maison des États-Généraux et la maison Rouge, avant et après leur restauration dans les années 1960-1970.

 

 

La muraille est repoussée d’autant vers l’est, jusqu’aux limites actuelles de la ville-fort (Place de l’Hôtel-de-Ville). Une rue basse (actuelle rue du Commerce) est tracée de long de la nouvelle enceinte, ce que le dessin du noyau primitif n’avait pas permis. Ce débordement aboutit à des douves situées à l’extrémité ouest de la Place de l’Hôtel-de-ville.

Le nouvel espace bâti dut provoquer un déplacement vers l’est de la voie extra-muros qui menait directement du pont au château, ce qui se traduit, à la fin du XIVe siècle, par l’édification d’une nouvelle porte d’accès à la forteresse, la Tour de l’horloge, qui renferme la cloche Marie-Javelle, qui fut fondue en 1399. Les espaces libres en contre-bas de l’église se comblent peu à peu. Chinon, ville royale, est désormais en mesure d’accueillir le roi et sa Cour. Philippe-Auguste, saint Louis, Philippe III y feront plusieurs séjours.

L’entretien de la forteresse coûte cher au royaume, aussi veille-t-on à l’utiliser à d’autres fonctions qu’au seul hébergement d’une garnison ou au logement occasionnel des souverains. Elle sert de lieu de détention pour des prisonniers particulièrement prestigieux ou dangereux. Les plus célèbres furent les dignitaires de l’Ordre des Templiers. Depuis la découverte récente (2001) de documents dans les archives du Vatican, on connaît mieux l’épisode qui s’y est déroulé en août 1308, et qui n’était connu jusque-là que par une version résumée, rédigée par un officier royal.

Après l’arrestation sur son ordre des membres du Temple à travers tout le royaume, le 13 octobre 1307, et les premiers interrogatoires menés par le tribunal de l’Inquisition de Paris, Philippe le Bel avait accepté, pour calmer l’irritation du pape, Clément V, fâché d’une initiative qui le privait de ses prérogatives les plus élémentaires, de faire conduire devant la Curie à Poitiers, à des fins d’enquête, un groupe de Templiers (soixante-douze), dont aucun dignitaire et beaucoup d’exclus que le roi avait réintégrés pour l’occasion. Sous prétexte de ménager leur santé jugée chancelante le roi fit retenir, sur la route de Poitiers, dans la forteresse de Chinon, les cinq dignitaires arrêtés : le Grand-Maître, Jacques de Molay : le Précepteur d’Outre-Mer, Jacques Raymbaud ; le Précepteur de France, Hugues de Pairaud ; le Précepteur d’Aquitaine et de Poitou, Geoffroi de Gonneville ; le Précepteur de Normandie, Geoffroi de Charnay. Il espèrait ainsi se donner un prétexte pour dénoncer la procédure, au cas où le pape déciderait d’absoudre les Templiers envoyés devant lui, l’absence du Grand-Maître étant susceptible de rendre discutable toute initiative allant dans ce sens. Le pape décide de contourner la manœuvre en envoyant sur place, à Chinon, trois cardinaux chargés d’interroger secrètement les prisonniers. Au terme des interrogatoires, qui se déroulent du 17 au 20 août 1308, les accusés reçoivent l’absolution de leurs péchés et sont réintégrés dans le sein de l’Église. Devant cette résistance du pape, le roi décide de ramener les dignitaires à Paris, où ils seront brûlés, plusieurs années plus tard, le 18 mars 1314.

Sous le règne d’un des fils de Philippe le Bel, Philippe le Long, le royaume connaît un des épisodes les plus sinistres de son histoire. Le roi et ses conseillers décident de renflouer les caisses en faisant un procès à deux groupes relativement fortunés mais sans défense : les lépreux et les Juifs. On invente un complot ourdi par les rois musulmans de Grenade et de Tunis pour anéantir les chrétiens avec la complicité des deux communautés et on en propage la rumeur à travers le royaume. Une épidémie survient en 1321 qui semble corroborer cette thèse, en faisant croire que ces ennemis ont empoisonné les puits. Alors sont perpétrés dans tout le royaume des massacres qui ne prennent fin que lorsque le roi, ayant obtenu le gain espéré, décide de mettre un terme aux troubles qu’il a lui-même fomentés. Les lépreux, dont les asiles, les biens et les troupeaux ont été anéantis, sont abandonnés à eux-mêmes. Les Juifs sont expulsés du royaume après avoir dû acquitter de fortes amendes. Ceux de Touraine ne furent pas épargnés, et nombre d’entre eux furent brûlés. Une phrase ajoutée par un continuateur anonyme à la Chronique royale de Nangis, affirme que 160 Juifs furent brûlés dans une fosse à Chinon. Ce bref récit, qui évoque plus le sacrifice volontaire des martyrs des premiers siècles du christianisme (« beaucoup d’entre eux et d’entre elles, comme invités à des noces, sautaient en chantant dans la fosse ») que la scène finale d’un pogrom, est le seul témoignage sur lequel se fonde cette tradition. Il y eut certainement une communauté juive à Chinon, ville royale ; elle eut sûrement à subir des persécutions, car il y a tout lieu de penser que les Chinonais d’alors n’étaient pas moins sensibles à la propagande officielle contre les lépreux et les Juifs que les autres sujets du royaume. Cependant, rien ne permet d’affirmer que ces persécutions furent telles que les rapporte le continuateur anonyme. Toute autre affirmation est pure hypothèse.

Chinon se distingue donc, pendant les xiiie et xive siècles, par les fonctions stratégiques et guerrières dévolues à sa forteresse. En tant que ville royale, elle est aussi concernée par les péripéties souvent sanglantes qui sont le triste lot du temps. Nous ignorons à quel point elle fut affectée par la Peste Noire qui, à partir de 1348, sévit tragiquement en France comme en beaucoup d’autres royaumes. En revanche, la première phase de la Guerre de Cent Ans semble l’avoir épargnée, malgré la proximité du champ de bataille de Poitiers (1356).

 

Au-delà de la ville-fort

L’évêque de Tours détenait de nombreuses parcelles sur le territoire de Chinon et dans ses environs immédiats. Il possédait aussi en commun avec le seigneur de la ville, – qu’il s’agisse du comte d’Anjou, du roi d’Angleterre, puis du roi de France – la « haute et basse forêt », les eaux et les îles et donc les pêcheries, communément appelées « écluses » ; celles qui étaient en amont du pont lui appartenaient en totalité (concordia du 28 mars 1190). L’administration de ces biens impliquaient la présence d’un personnel qualifié et d’équipements permanents. Aux fins d’entreposer les redevances en nature, une grange à dîmes fut édifiée non loin de la rivière sur laquelle s’effectuaient les transports de denrées, face à l’île de Tours qui, comme son nom l’indique, relevait de l’autorité de l’évêque. Les officiers chargés de les percevoir occupaient un hôtel tout proche (4, place Jeanne d’Arc). Entre la grange et l’hôtel fut aménagée une place, dite de la Parerie (actuelle Place Mirabeau), dont l’étymologie évoque la répartition à parité entre l’Église et le roi du produit des transactions qui s’y effectuaient.

 

 

Ancienne grange à dîmes dessinée par James Richard dans l’état où elle était jusqu’en 1920.

 

Au nord de la place, un couvent augustin, contigu à l’hôtel de l’évêché, est fondé par une bulle du pape Jean XXII en date de novembre 1334 et sa construction, contrariée par la Peste Noire et le début de la Guerre de Cent Ans (défaite du roi Jean II à Poitiers en 1356), ne débute qu’en 1359 et ne sera véritablement achevée qu’en 1445, date de la consécration de son église. Ces trois fondations, plus la Maison de la Charité et l’église Saint-Etienne, qui les prolongent au nord, donnent à ce faubourg de la ville un caractère éminemment religieux, qui s’accentuera encore lorsqu’il aura fait la jonction avec la collégiale de Saint-Mexme et son cloître, c’est-à-dire les différentes demeures occupées par ces chanoines qui n’étaient pas tenus à une vie commune en dehors des offices.

Pendant la seconde moitié du XVe siècle, au cours duquel le royaume n’eut plus à subir la présence de troupes ennemies, la ville de Chinon, tirant parti de ces conditions favorables, ne cessa de s’étendre vers l’est et la collégiale Saint-Mexme. Parmi les constructions les plus remarquables, il faut signaler les halles (emplacement de l’actuel l’Hôtel-de-ville), l’hôtel-Dieu et son cimetière (parking de la Brèche et place du théâtre, aujourd’hui, Place Hoffheim).

 

Hôtel-Dieu devenu théâtre municipal par James Richard (1966)

Ce bâtiment, propriété des Augustines, a servi d’hôpital jusqu’à la Révolution.

 

Par ailleurs, se développe une activité artisanale, dont des teintureries qui tirent parti de la présence abondante de l’eau, dans les cours intérieures, en retrait des façades sur rue (rue Jean-Jacques Rousseau). Ce faubourg, qui semble ne pas suivre un plan préalablement établi, à en juger par les ruelles tortueuses qu’elle conserve encore, contraste avec le quartier Saint-Etienne au plan rigoureux.

 

          Chinon, résidence royale (XVe siècle)

En 1413, le Duc d’Anjou conclut avec le roi Charles VI et la reine Isabeau de Bavière un accord de mariage entre sa fille Marie et le troisième fils du couple royal, Charles, comte de Ponthieu. La mère de Marie, Yolande d’Aragon, se charge d’élever le jeune prince en Anjou, auprès de sa fille. En 1415 et 1417 respectivement, les deux frères aînés du jeune Charles, le Dauphin Louis et son cadet Jean, meurent sans descendance. A l’âge de 14 ans, le prince se retrouve donc héritier du trône. Lorsque les Bourguignons se rendent maîtres de Paris (29 mai 1418), le nouveau Dauphin s’enfuit de la capitale et s’installe de façon permanente en Touraine (Tours, Amboise, Chinon et Loches) et Berry (Bourges et Mehun-sur-Yèvre). C’est de cette position de repli qu’il va gouverner la partie du territoire qui continue à lui prêter obéissance.

La reine de France reçoit à titre de douaire le duché de Touraine. Le château et la châtellenie de Chinon en fera toujours partie, excepté pendant une courte période entre 1425 et 1428. Pour cette raison et aussi à cause de la proximité de la ville avec son Anjou natal, Marie fera de la forteresse une de ses résidences de prédilection. Elle y fera réaliser des aménagements pour son confort et y mettra au monde plusieurs de ses enfants, dont le dernier, Charles (1446).

 

 

Marie d’Anjou, épouse de Charles VII, reine de France

 

En 1428, le Dauphin parvient à reprendre Chinon, que s’était approprié la duchesse de Guyenne, fille du duc de Bourgogne, et y installe la Cour. Cette année-là, il y réunit les États de langue d’oc et de langue d’oil qui lui accordèrent des subsides substantiels, de 500.000 et 400.000 livres tournois respectivement, mais qui exigèrent l’abandon de la politique de dévaluation de la monnaie qui avait prévalu jusque-là. La ville était directement concernée par ces mesures financières, étant donné que, de 1418 à 1442, elle posséda un atelier de frappe de monnaie, qui produisait, en particulier, les célèbres florettes.

Au mois de mars 1429, elle fut le théâtre d’un épisode célèbre de l’histoire de France. Une jeune fille originaire des confins de la Champagne et de la Lorraine, prénommée Jeanne et qui se fait appeler La Pucelle, se rend sur les bords de la Vienne avec une petite escorte pour solliciter une entrevue avec le Dauphin. Se prévalant de révélations qui lui auraient été faites miraculeusement, elle parvient à le persuader de se faire sacrer roi à Reims et de lever une armée pour délivrer Orléans. La rencontre entre Jeanne d’Arc et le Dauphin eut lieu dans le logis royal du château de Chinon. Jeanne séjourna dans la ville le temps nécessaire au déroulement de l’enquête dont elle fut l’objet. Elle y gagna de solides appuis : Yolande d’Aragon, le duc d’Alençon. Puis, elle prit la tête de l’armée chargée de libérer Orléans, assiégée par les troupes anglaises et bourguignonnes. C’est donc à Chinon que débuta la courte mais glorieuse destinée de Jeanne d’Arc ; en même temps s’écrivait une page glorieuse de l’histoire de la ville, dont le nom devint familier à tous les Français.

En 1433, toujours au château de Chinon, la reine Marie participe au complot ourdi par sa mère Yolande d’Aragon en vue d’expulser du Conseil du roi l’encombrant La Trémoille. Ce coup de force permet à la maison d’Anjou de recouvrer son influence à la Cour.

L’année 1444 marque le début du « règne » d’Agnès Sorel, première maîtresse officielle d’un roi de France. Elle est omniprésente, le roi ne pouvant supporter d’être éloigné d’elle. Elle intervient dans la distribution des places et des rentes, le plus souvent à son profit ou à ceux de ses parents et familiers. Elle se fait offrir de luxueuses parures, car c’est elle qui dicte la mode. La reine demeurant au château, le roi installe sa maîtresse en contre-bas, dans le manoir du Roberdeau, dans lequel il pouvait se rendre par un souterrain dont on devine encore l’entrée au pied de la Tour d’Argenton. Mais les murs de la forteresse devaient paraître trop austères aux deux amants, aussi préféraient-ils séjourner chez les seigneurs de Razilly, dans le Véron, à une lieue de Chinon, pour y organiser leurs fêtes. Le Pas du rocher périlleux ou Emprise du dragon y eut lieu, en juin 1446, en présence de la fine fleur de la chevalerie française : le roi René d’Anjou, le comte d’Eu, le comte de Foix, le duc d’Alençon, le comte de Tancarville, le comte de Nevers, le comte du Maine, le comte de Clermont, le comte d’Angoulême, etc. Agnès mourut très jeune et son « règne » ne dura que cinq années mais, grâce à elle, la Cour connut une période particulièrement fastueuse malgré l’état de guerre permanent que connaissait le royaume.

La Guerre de Cent Ans achevée (1453), Charles abandonne Chinon pour Paris et les châteaux du Berry pour lesquels il a une prédilection. Ses successeurs immédiats, Louis XI et Charles VIII, investissent d’autres lieux du Val de Loire (le Plessis à Montils-lès-Tours, Amboise, Loches) mais ne manquent pas de séjourner aux bords de la Vienne lorsque l’occasion se présente. Ce retrait de la Cour n’a pourtant pas d’incidence négative sur le développement de la ville ; celle-ci bénéficie encore de l’élan de la paix retrouvée et voit se multiplier les belles demeures de pierre, qui rivalisent désormais avec les maisons à pans de bois.

Le siècle s’achève en apothéose pour Chinon. Le 18 décembre 1498, le roi Louis XII y reçoit César Borgia, fils du pape Alexandre VI, qui vient lui remettre en mains propres l’annulation de son premier mariage afin de lui permettre d’épouser Anne, duchesse de Bretagne, veuve de son prédécesseur, Charles VIII.

 

Chinon aux Temps Modernes (XVIe-XVIIIe siècles)

François Rabelais

En 1484 ou 1494 (le doute subsiste), l’épouse d’un avocat du siège royal met au monde un enfant de sexe mâle, dans la maison de campagne qu’il possède dans le village de Seuilly, sur l’autre rive de la Vienne. Le fait est trop banal pour mériter qu’on s’y attarde. Mais il se trouve que la sécheresse sévit cruellement cette année-là, et que, faute d’eau, les hommes furent contraints de ne boire que du vin. On ignore si les enfants aussi furent réduits à cette extrémité. Toujours est-il que ce concours de circonstances extraordinaire donna naissance à un des plus grands génies de son temps, dont le nom et l’œuvre sont universellement connus et admirés.

 

Un rêve français | Cnap

Portrait de Rabelais par Eugène Delacroix, conservé au Musée de Chinon

 

François Rabelais ne s’est pas contenté de naître à La Devinière d’un père et d’une mère chinonais. Il a non seulement, à la façon des clercs de l’époque, mentionné ses origines géographiques, comme en témoigne l’ex-libris f. francisci Ralelaisi Chinonensis (« frère François Rabelais chinonais »), que l’on peut lire dans les volumes de sa bibliothèque, mais il a initié ses lecteurs aux subtilités de ce terroir. Quel meilleur guide, en effet, que ses écrits pour découvrir notre région, se familiariser avec les mœurs de ses habitants ? Qui, parmi les lecteurs de maître François, ne connaît les Caves Peintes à Chinon, le théâtre de la Guerre picrocholine (Lerné, Seuilly, La Roche-Clermault), la grotte de la Sibylle à Panzoult ou le site présumé de l’abbaye de Thélème, du côté de Rigny ? Mais, au-delà de cet aspect, plutôt anecdotique, Rabelais a eu le génie de transformer sa ville natale et sa contrée en un personnage littéraire et mythique, comme la littérature arthurienne l’avait fait avec la forêt de Brocéliande ou l’Ile d’Avalon, et comme le fera (à son imitation ?) Miguel de Cervantès, avec la Manche castillane. Grâce à lui, Chinon et sa contrée ont acquis une renommée universelle.

 

Un chef-lieu administratif et économique

Mérite-t-elle un tel honneur ? Disons qu’elle ne démérite pas et qu’elle assume dignement son statut de ville royale ainsi que le rôle qu’elle ne cessa d’exercer, du XIIIe au XVIIIe siècles, comme capitale administrative d’un territoire considérable.

En effet, jusqu’à la Révolution, qui, en unifiant l’administration à tout le pays, supprima de nombreuses institutions en même temps que les privilèges et la vénalité des charges, Chinon fut le siège de nombreux corps d’officiers. En 1544, le bailliage de Chinon devient autonome, après le démembrement de celui de Tours et la ville chef-lieu d’une circonscription qui regroupe une centaine de paroisses. Il est placé sous l’autorité d’un lieutenant et dispose de ses propres locaux. Le corps de ville est constitué par un maire et trois échevins. Leur principale mission est le maintien de l’ordre, mais ses prérogatives concernent aussi l’organisation de l’enseignement ; ainsi, le roi François II l’autorise, en 1578, à acquérir une maison située au-dessus du carroi Saint-Etienne pour y établir un Collège royal, institution qui retire la mission d’enseignement aux autorités ecclésiastiques pour la confier au pouvoir civil et qui perdurera jusqu’aux réformes de la Troisième République.

L’exercice de la justice mobilisait un personnel nombreux : lieutenant du bailliage, avocat du roi, procureur du roi, juge des affaires civiles et criminelles, juges des affaires spéciales, conseillers, greffiers, huissiers, procureurs notaires du roi, avocats. La justice fiscale relevait de l’élection ou circonscriptrion financière. Il y en avait six en Touraine et celle de Chinon couvrait un vaste territoire, de Thilouze et Saché à Langeais et Cinq-Mars, en passant par Sainte-Maure, Azay et La Haye. Elle était chargée de fixer l’impôt et de régler les litiges. Enfin, la Touraine étant pays de grande gabelle, Chinon était dotée d’un grenier à sel, dont la tâche première était de faire respecter une réglementation d’autant plus contraignante que le Poitou voisin en était dispensé et que les fraueurs étaient nombreux.

Le château était le siège de la juridiction militaire, qui y entretenait une garnison et aussi la prison. Par ailleurs, l’administration des Eaux et forêts veillait à l’entretien et à l’exploitation de la forêt domaniale et des nombreux cours d’eau navigables. Enfin, la jurisdiction ecclésiastique était confiée à un prêtre dépendant de l’arcevêché. Par ailleurs, chacune des cinq paroisses intra muros, Saint-Maurice, Saint-Jacques, Saint-Etienne, Saint-Mexme et Saint-Martin, ainsi que les deux paroisses extérieures, Saint-Louans et Notre-Dame de Parilly, avait son propre personnel ecclésiastique et autres, placé sous l’autorité du chefcier de Saint-Mexme. Quant au clergé régulier, il se composait de trois ordres masculins, Augustins, Franciscains et Capucins, et de cinq maisons féminines, Calvairiennes, qui auront la charge de l’hôpital de Saint-Michel (début du XVIIe siècle), Ursulines, Sœurs hospitalières de saint Augustin, Dames de l’union chrétienne et Sœurs de la Charité.

La présence d’un personnel administratif aussi nombreux, la circulation pécuniaire et la création d’emplois qu’elle entraînait assuraient à ses habitants un niveau de vie que les habitants des autres villes ou villages dépendant de sa juridiction devaient leur envier. Un témoignage de cette vitalité économique est fourni par les nombreuses cales dans lesquelles ont débarquait les denrées circulant sur la rivière, ainsi que la tenue d’un marché hebdomadaire et de deux foires annuelles, en avril et en octobre, qui furent instaurées au XIIIe siècle.

 

Au temps de guerres de religion

La ville aurait pu être fortement impliquée dans les Guerres de Religion, la forteresse présentant un intérêt stratégique de première importance pour les deux partis Pendant ces guerres, Chinon connut des concentrations de troupes catholiques et servit de prison au cardinal de Bourbon, après l’assassinat du duc de Guise sur l’ordre du roi Henri III. Malgré la proximité de places protestantes comme Loudun et Saumur, les Chinonais surent, cependant, rester en marge du conflit, ce qui n’était pas un mince exploit à une époque où chacun était tenu de se prononcer pour l’un des deux partis. Les Réformés avaient plus à craindre des agents du pouvoir royal que des catholiques chinonais, même s’ils eurent à subir quelques tracasseries. Chinon ne connut qu’un épisode difficile, en 1562, lorsque, comme plusieurs autres villes – Angers, Tours, Châtellerault, Saumur et Loudun -, elle fut prise par les Réformés qui, mettant à profit le fait que les garnisons aient abandonné momentanément leur poste, entendaient riposter au massacre de Wassy, perpétré par Henri de Guise. Ils occupèrent la ville du 24 mai au 11 juillet, en l’absence de son gouverneur, Tiercelin de la Roche du Maine, qui reprit la place, peu après, « à la veue d’une seule compagnie de gens d’armes » (Agrippa d’Aubigné, Mémoires), ce qui atteste du courage du marquis mais aussi de la faiblesse des Réformés, qui n’avaient réussi à s’emparer de la ville que par surprise.

En 1565, soit trois années après cet épisode, la reine Catherine de Médicis, ses enfants et la Cour, à l’occasion du célèbre voyage qu’ils réalisèrent à travers le royaume, firent étape en septembre à Marçay et à Lerné (au château de Chauvigny), puis, en novembre, à Bourgueil, Langeais et Amboise, mais pas à Chinon, comme s’ils avaient voulu éviter de le faire. Faut-il y voir une conséquence de l’épisode précédent ? Probablement plutôt, durent-ils se rendre à l’évidence qu’une pareille expédition serait dans l’impossibilité de pénétrer dans la ville. Faire emprunter, en venant de Loudun, le Pont à Nonnain à des carrosses, à de lourds chariots, à une foule de gens à cheval n’était pas envisageable. Il apparut plus commode de contourner aussi la rivière de Vienne par le nord, quitte à emprunter dès que possible la rive droite de la Loire de Nantes à Tours. Cet épisode témoigne assez bien de l’isolement dans lequel la topographie allait condamner la ville de Chinon jusqu’à ce que la muraille qui longeait la Vienne soit abattue et remplacée par les quais, dans la première moitié du XIXe siècle.

La communauté huguenote de la ville choisit de se dissoudre en 1565, ses membres préférant se rattacher au Temple de L’Ile-Bouchard, placé sous la protection des La Trémoille. Ils obtinrent, cependant, des autorités municipales, l’autorisation de fonder un cimetière dans la paroisse de Saint-Etienne, et, selon toutes les apparences, ne subirent pas de persécutions systématiques. Il n’y aura pas de massacres lors de la Saint-Barthélemy (1572).

L’ambition de Richelieu, ministre tout-puissant du roi Louis XIII, va modifier le destin de la ville en la retirant en partie à l’autorité royale. L’édification, dans l’ancien fief familial, d’un immense château et d’une cité attenante (actuelle ville de Richelieu) ayant vocation à accueillir l’administration du royaume conduit le cardinal à s’intéresser de près à Chinon. Il parvient à se faire remettre certains droits qui s’apparentent à une seigneurie sur la ville : droit d’exercer la justice ; possession du château ; droits honorifiques. La couronne se réserve, cependant, quelques charges et répond positivement à certaines requêtes du corps de ville et des officiers de justice, soucieux de préserver certaines prérogatives du statut ancien. Cet état de fait perdurera jusqu’à la Révolution.

Tandis que l’insatiable cardinal cherchait à augmenter encore sa fortune, notre bonne ville donnait naissance à un personnage attachant, malheureusement oublié. Claude Quillet est l’auteur d’un immortel chef-d’œuvre, la Callipédie ou la manière d’avoir de beaux enfants, long poème en vers latins, dans lequel il prétend démontrer « par quels moyens on se fait des héritiers d’une figure aimable ». Malheureusement notre bon Quillet était contrefait, ce qui inspira à une dame peu charitable ce mot cruel : « Quel dommage que sa mère n’ait pas lu son traité avant de le mettre au monde ! ». Alfred de Vigny, dans son roman historique Cinq-Mars, en fait le gouverneur du héros et le farouche ennemi du despotique cardinal.

 

Page de titre de la Callipégie de Claude Quillet,

Dans le domaine des arts, Chinon a eu quelques illustres enfants. Le musicien Pierre Tabart (1645-1716), maître de chapelle à la cathédrale de Meaux, a laissé plusieurs pièces de musique religieuse, dont le Requiem qui fut chanté lors des funérailles de Bossuet. Le plus célèbre de tous fut un mécène, Alexandre Le Riche de la Pouplinière (1693-1762), fils d’un receveur du grenier à sel de Chinon. Dans ses hôtels de Paris puis de Neuilly, ce fermier général accueillit et protégea des écrivains et artistes de renom, tels Voltaire, Jean-Jacques Rousseau, Quentin de La Tour et Van Loo. Grand amateur de musique, il entretenait un orchestre et soutint activement Jean-Philippe Rameau, au point de le loger dans son propre hôtel, ainsi que François-Joseph Gossec.

 

Chinon pendant la Révolution

La Révolution fut favorablement accueillie à Chinon. C’est alors une ville de quelque 5.500 habitants dont la population entend profiter de la réforme politique et administrative en cours et se défaire de l’autorité des ducs de Richelieu. Cette volonté, trop longtemps contrainte, donne lieu au début à de nombreuses émeutes que les autorités ne peuvent réprimer. Pendant toute la durée de la Révolution, la ville partage les grands élans révolutionnaires, s’associant aux événements symboliques principaux : fêtes révolutionnaires ; création de sociétés populaires. Les Chinonais adoptent pendant ces années un républicanisme sincère mais modéré et se montrent soucieux de ne pas créer de fossé entre les divers partis, idéologie et comportement qui ne se sont jamais démentis au cours de sa longue histoire. Ce trait de caractère les conduisit à quelques regrettables compromissions ; ainsi ne surent-ils pas éviter le sort tragique que connut un convoi de suspects saumurois, lesquels furent massacrés par leurs gardiens sur le territoire de la commune.

Gravure de Chinon réalisée en 1772, dans une reproduction de 1792.

Le graveur n’a pas représenté l’île de Tours, en amont du pont.

 

Au moment le plus fort de la Guerre de Vendée, Chinon constituait la base républicaine avancée face aux troupes monarchistes. C’est pourquoi le conventionnel Tallien s’y installa. L’armée dite « de Chinon » compta jusqu’à 15000 soldats, placés sous le commandement d’un général de trente ans, Gabriel Venance Rey. Le 19 mai 1793, cette armée rejoignit le Maine-et-Loire et laissa la ville sans défenses. Aussi, le 12 juin, après la chute de Saumur, Chinon fut investie par une troupe de combattants vendéens mal vêtus et mal équipés. Les envahisseurs se retirèrent, vingt-quatre heures plus tard, sans commettre la moindre exaction, mais en emportant toutes les armes et provisions qu’ils purent trouver ou extorquer aux autorités et aux habitants. Leur chef profita de cette incursion pour se rendre chez sa cousine, comtesse de La Mothe-Baracé, au château du Coudray-Montpensier à Seuilly.

Pendant la Terreur, les tribunaux de Paris et d’Angers condamnèrent à mort et firent exécuter huit Chinonais, dont l’avocat Poirier de Beauvais. Dans la ville-même, il n’y eut qu’une seule exécution, celle d’un soldat volontaire appelé Jacques Payelle, accusé d’avoir crié « Vive le Roi ! A bas la République ! ».

 

Époque contemporaine (XIXe-XX siècles)

Pendant tout le xixe siècle, Chinon, paisible chef-lieu d’un arrondissement rural, semble vivre en marge de l’histoire. La ville n’a pas connu de grands événements mais elle ne manque pas pour autant de dynamisme, si l’on en juge par les transformations considérables qu’elle a connues. La destruction des murailles médiévales a permis la création des quais, qui dévient la circulation hors de la ville-fort et offrent un espace pour de nouvelles habitations ouvertes au midi. Une ancienne prairie, sur laquelle Jeanne d’Arc se serait entraînée à la joute avec le duc d’Alençon, a été transformée en mail, puis en jardin, enfin en champ de foire (Place Jeanne d’Arc).

Place Jeanne d’Arc, avec la statue de la Pucelle, la gendarmerie et la prison ; en arrière-plan, la gare et le pont Eiffel du chemin de fer qui desservait trois destinations sur la rive gauche de la Vienne (Les Sables d’Olonne, Richelieu et Nouâtre).

 

Le long de cette place est édifiée une caserne de gendarmerie dotée d’une prison, avec, non loin de là, aussi la maison-close, équipement inévitable dans toute ville de quelque importance. Au bout de l’avenue, la gare du chemin de fer est inaugurée en 1875. Enfin, sont érigées deux statues monumentales, celle de Rabelais (1882) et celle de Jeanne d’Arc (1893). Moins visible mais tout aussi essentiel est le traitement du bâti ancien : élargissement de la rue Rabelais, alignements des façades et, surtout, protection des édifices les plus remarquables, auxquels de bonnes âmes, au nom de la modernité, auraient bien aimé faire subir le sort du château et du Fort Saint-Georges qui, eux, restèrent, pendant toute cette période, à l’état de ruines.

La proclamation de la Troisième République ne laissa pas les Chinonais indifférents et réveilla les passions. Ils renouèrent avec le débat politique, confisqué sous le Second Empire, et les républicains finissent par l’emporter sur les monarchistes. Il reste certains signes de ces débats. Ainsi, « le baptême laïque auquel la pauvre ville a dû se prêter », dont se plaint René Boylesve (Le Jardin de la France), a multiplié les noms de rue à consonance révolutionnaire : les trois tronçons de la Rue Haute célèbrent successivement Voltaire, Rousseau et Diderot ; Hoche et Marceau montent parallèlement vers Saint-Mexme ; la Parerie est devenue Place Mirabeau ; la rue Beaurepaire, du nom du vaillant défenseur de Verdun (1792), longe au sud la nef de l’église Saint-Maurice ; le quai Danton fait face à la ville sur la rive gauche. De même, il y eut débat pour savoir qui de Rabelais ou de Jeanne d’Arc serait honoré le premier par une statue. Le « grand satirique du XVIe siècle » fut choisi contre l’avis des tenants de Jeanne et, comble d’ironie, l’inauguration de la statue de cette dernière, célébrée par les autorités républicaines, sera boudée par le député local monarchiste et par ses partisans.

Les années cinquante et soixante du XXe siècle marquent un tournant décisif dont les effets sont encore perceptibles aujourd’hui.

Les Américains installent en 1951 aux portes de la ville, dans la forêt de Saint-Benoît-la-Forêt, un camp militaire (Chinon Engineer Depot) couplé à un vaste hôpital chargé de soigner les soldats en garnison dans toute l’Europe. Cette initiative bouleverse les habitudes locales. Elle crée un millier d’emplois, ce que la population apprécie.

 

 

Hôpital américain, sur la commune de Saint-Benoît-la-Forêt, site sur lequel ont été édifiés l’actuel hôpital de Chinon et la clinique Jeanne d’Arc.

 

Mais l’implantation du jour au lendemain de 1500 officiers et soldats américains introduit brutalement un corps étranger dans un organisme qui n’y était pas préparé. On s’offusque de la façon dont on traite la forêt, à coup de bulldozers, pour y construire le camp, ses bâtiments, ses allées pavées ; on déplore quelques incendies que ces aménagements menés à la hussarde ont provoqués. Ce n’était pas une armée en guerre, ni non plus une armée en goguette ; cependant, un personnel bien payé et formé très majoritairement d’hommes célibataires fait nécessairement naître quelques préventions contre lui. Certains chinonais gardent encore le souvenir de ces cafés du centre-ville qui étaient réservés aux consommateurs yankees, surtout les jours de solde (pay day), des tournées de la Military Police, crainte autant par la jeunesse locale que par les soldats américains. Ils voyaient, en outre, d’un mauvais œil certaines de leurs jeunes concitoyennes céder au charme de ces nouveaux venus, au point de les épouser et d’aller fonder une famille outre-Atlantique. Mais la jeunesse chinonaise de l’époque se souvient aussi avec nostalgie des cigarettes et des disques de jazz qu’elle parvenait à se procurer, plus ou moins légalement, à la cantine du camp, le fameux PX. Les militaires américains occupent le camp jusqu’en février 1967, lorsque le général De Gaulle décide de retirer la France de l’OTAN. Avant d’abandonner les lieux, ils détruisent l’essentiel des bâtiments qu’ils avaient construits, à l’exception de ceux de l’hôpital militaire. C’est dans ses locaux que l’hôpital de Chinon, jusqu’alors situé dans le couvent Saint-Michel, fut transféré après sa destruction partielle par un incendie en avril 1980.

Le principe d’un centre de production d’électricité est arrêté en 1954 et le site d’Avoine, à 7 kms de Chinon sur la rive gauche de la Loire, retenu en 1955.

 

Aux bords de la Loire, les trois premiers réacteurs de la Centrale nucléaire d’Avoine dans les années 1980.

En arrière-plan, « la Boule », qui cesse de produire de l’électricité en 1973.

 

La centrale commence à fonctionner en 1963. Dans un premier temps, cette initiative est accueillie favorablement, au point que certains viticulteurs n’hésitent pas à reproduire son image sur leurs étiquettes. Ce centre d’abord expérimental (la fameuse orange) est devenu peu à peu, au fils des tranches successives, un lieu de production permanent et emploie directement 1350 personnes. La réflexion écologique aidant, l’opinion des populations a évolué et cherche à concilier, selon un principe de prudence bien chinonais, la prise en considération d’un impact économique bénéfique, l’inquiétude latente devant certains effets supposés sur l’environnement et la santé, et le refus d’une certaine opacité dans le fonctionnement d’une énorme machine qui échappe aux non-spécialistes.

Chinon est une des premières villes de France à avoir bénéficié des dispositions de la loi Malraux sur les secteurs sauvegardés (4 août 1962). Les premiers travaux ont porté sur le Grand Carroi. Depuis, beaucoup de bâtiments anciens ont été restaurés par leurs propriétaires. L’image que présente la ville aujourd’hui est largement tributaire de ce phénomène.

 

Conclusion

Au 88 de la Rue Haute, est né et a vécu un des plus illustres chinonais, Eugène Pépin (1887-1988). Ce fils de commissaire-priseur fit des études de Droit et soutint en 1911 une Thèse sur Les basse et haute foreszt de Chinon, qui fait encore autorité. Pendant la Première Guerre Mondiale, il expérimenta le procédé de photographie aérienne, mis au point par le Professeur Poivillier, qui contribua à révéler à l’Etat-major allié les mouvements des troupes allemandes, ce qui entraîna la riposte des Taxis de la Marne. On a conservé une photo de lui, prise en 1919 dans la Galerie des Glaces lors de la signature du Traité de Versailles, alors qu’il présente un document à la signature d’un plénipotentiaire français. Démobilisé, il se spécialisa dans le Droit aérien mais vivra assez longtemps pour s’intéresser aussi de près au Droit spatial, ce qui fit de lui le Directeur de l’Institut international de droit aérien et spatial de l’Université de Mac Gill, au Canada, avant d’être le Président de l’Institut International de Droit de l’Espace. Cet homme, d’une longévité certes exceptionnelle, était donc passé de l’ère de la traction hippomobile à celle des fusées, et avait su s’adapter à chaque innovation. Lorsqu’il se rendait de Chinon au siège des instances internationales dont il était membre, il traversait à pied sa ville natale médiévale, prenait une micheline à la gare de Chinon, un train moderne pour aller de Tours à Paris, puis l’avion pour se rendre au bout du monde.

Cette vie extraordinaire tend à prouver qu’à Chinon, le temps ne s’écoule pas comme ailleurs. Ici, l’hier côtoie l’aujourd’hui et lui donne du sens. Où que l’on aille, le regard du visiteur rencontre un objet hérité d’un passé parfois lointain, qui le met à l’abri de manifestations d’une modernité agressive. Rien de plus salutaire qu’une cure de Chinon pour prendre la mesure exacte du monde et ne pas se lancer dans un avenir incertain sans s’être assuré de solides arrières.

 

Bibliographie succincte

– Andrault-Schmitt, Claude, « Chinon, église Saint-Maurice », Société française d’archéologie, Congrès archéologique de France, 155e session, 1997, Touraine, p. 281-299.

– Carré de Busserolle, J.-X., Dictionnaire géographique, historique et biographique d’Indre-et-Loire et de l’ancienne province de Touraine, Tours, 1878.

– Cougny, Gustave de, Chinon et ses environs, Tours, Imprimerie A. Mame et fils, 1898.

– Dufaÿ, Bruno, La forteresse et la ville, projet collectif de recherche, sous la direction de…, Rapports d’activité correspondant à l’autorisation PCR 07/0224. Tours, Conseil Général d’Indre-et-Loire, Service de l’Archéologie du Département d’Indre-et-Loire.

– Izarra, François de, La Vienne à Chinon de 1760 à nos jours. Évolution d’un paysage fluvial. Combleux, Éditions Loire et terroirs, 2007.

– Pépin, Eugène, Histoire de Touraine, Paris, Ancienne librairie Furne Boivin & Cie éditeurs, 1935.

– Richault, Gabriel, Histoire de Chinon, Paris, Éd. Jouve, 1926 [reproduction fac-similé de l’Office d’édition du livre d’histoire, Paris, 1997, avec une préface de M. Garcia].