En prévision du projet Xacobeo 93, qu’il avait
conçu pour relancer le Chemin de Saint-Jacques dans toute l’Europe, le
gouvernement de Galice me chargea d’organiser un colloque international à la
Sorbonne. Les séances se tinrent, salle Louis Liard, du 19 au 22 novembre 1991.
Elles réunirent d’éminents spécialistes : Giuseppe Tavani, Alison Stones,
José Da Silva, Léon Pressouyre, Serafín Moralejo, Carlos Alvar, John Williams,
Lucia Gai, Vicente Beltrán, Marie-Madeleine Gauthier, Manuel Díaz y Díaz, Anders
Arfwedson. Les Actes de cette rencontre n’ont jamais été publiés. Je reproduis
ci-dessous le texte de la conférence que j’ai prononcée à cette occasion.
Les poèmes en
galicien dans les recueils poétiques espagnols de Paris
Michel GARCIA
Université de la Sorbonne Nouvelle
Lorsque,
cédant à l’amicale pression des organisateurs, j’acceptai de faire une
communication à l’occasion de ces Journées sur le Chemin de Saint-Jacques, je
me trouvai confronté à une tâche fort difficile. Il me fallait tenir compte, en
effet, de ma relative incompétence sur le sujet retenu, mais aussi de la
nécessité d’associer Paris à cet hommage à la Galice et à son pélerinage, à
l’imitation de ce qu’ont si bien su faire nos collègues historiens de l’art,
sous la direction éclairée de Léon Pressouyre. Je dirigeai donc mes pas vers ce
Cluny bibliographique qu’est, pour l’hispaniste médiéviste, la Bibliothèque
Nationale et, plus précisément, son fonds de manuscrits, qui recèle
d’inestimables trésors littéraires espagnols. J’y retrouvai là de vieux
compagnons, ces "chansonniers" ou recueils poétiques qui, bien que
tardifs -puisqu’ils datent du XVe siècle- et de provenance
castillane pour la plupart, contiennent plus d’une pièce en galicien.
Cette conférence
me paraissait donc une excellente occasion de faire le point, après d’autres
critiques, sur l’importance et la nature de cette contribution galicienne à la
littérature castillane de la fin du Moyen Age, telle que l’on peut la mesurer
dans les manuscrits conservés dans notre BN. Le sujet n’est pas neuf. Tous ceux
qui se sont peu ou prou intéressé à la poésie castillane de la fin du XIV° et
du début du XV° siècles ont rendu compte de cette production en langue
galicienne. Je ne prétends pas ici renouveler l’interprétation que linguistes
et historiens de la littérature nous ont laissée de ces œuvres. Je souhaite tout
au plus mener, à partir d’une lecture attentive de ces chansonniers dans
laquelle je mêlerai aperçus sociologiques et analyse formelle, une évaluation
de cette production dans le contexte de l’époque. Comme on le verra, le choix
du support n’est pas si arbitraire car il fournit, en fin de compte, une
information précieuse sur la place de la veine galicienne chez la nouvelle
école trouvadouresque castillane et sur les raisons tant de sa permanence que
de sa disparition prochaine.
Commençons donc,
si vous le voulez bien, par une évaluation quantitative de cet apport. Sur les
douze recueils conservés, deux seulement nous intéressent ici, les autres ne
contenant pas d’œuvres en galicien, si ce n’est sous la forme de citations de
poèmes en cette langue. Il s’agit du Ms 37 du fonds espagnol ou Chansonnier
de Baena, et
du Ms 216, un recueil de textes où domine la prose, que nous appellerons ici,
pour plus de commodité, Le Petit Chansonnier. Ce dernier ne
contient qu’un poème en galicien, dû à Ruy Gonçález de Clavijo, mais son
originalité est telle qu’il mérite qu’on s’y arrête. Nous le ferons à la fin de
cet exposé. Pour l’instant, intéressons-nous au Chansonnier de Baena.
Juan Alfonso de Baena,
employé aux écritures à la Cour du roi Jean II, achève de réunir cette
collection, qu’il dédie au souverain, autour de 1430. Il y recueille des œuvres
de quatorze poètes ayant "fleuri" entre 1370 et 1430. Lui-même figure
au sommaire. Le manuscrit qui est conservé à la BN est une copie de l’original,
et présente, par rapport à ce dernier, quelques lacunes compensées par l’ajout
de quelques pièces. La composition de l’ensemble a été sensiblement modifiée, à
une époque que l’on ignore, par l’inversion de cahiers, ce qui rend complexe
une étude du sommaire, puisque l’on n’a jamais l’assurance que le contexte d’un
poème est bien celui que le compilateur lui avait initialement donné.
Ce chansonnier
apporte une information essentielle sur une production dont, sans son précieux
témoignage, on ignorerait à peu près tout. Le compilateur assigne à son travail
un objectif ambitieux, celui de réunir toute la production poétique
jamais écrite dans l’art de la poésie et du gai savoir, -selon la
terminologie empruntée aux membres du Consistoire de Toulouse (1323)-, jusqu’à
l’époque où il décide de la recueillir. L’information
est d’importance, car elle nous invite à lire le Chansonnier de Baena non
comme un choix de pièces effectué par un amateur, au gré de ses goûts et de ses
intérêts, mais comme une véritable encyclopédie de la poésie de l’époque
antérieure à Jean II de Castille (1406-1454) ou contemporaine des premières
années de son règne.
Le chansonnier
démontre l’émergence d’une « école poétique » castillane, qui donnera
des fruits nombreux et de qualité tout au long du XVe siècle. Jusque
là, le castillan s’est montré d’une remarquable discrétion en poésie. Il ne
s’est guère manifesté que dans des genres précis, pour des raisons sans doute
diverses qu’il serait trop long d’analyser ici. S’il ne fait qu’une timide
apparition dans le genre épique -mais cela donne lieu à un chef-d’œuvre
accompli, le Mio Cid-, il investit, en revanche, dès le XIIIe
siècle, le genre savant du métier de clergie. Or c’est au moment même où
cette inspiration et cette technique cléricales tombent en désuétude, à la fin
du XIV° siècle, qu’apparaissent des poètes, en nombre conséquent, disposés à
occuper d’autres territoires: le dit narratif, la chanson, le débat.
Il est permis donc
de parler de nouvelle école, puisque les poètes castillans élargissent le champ
de leur inspiration et de leurs techniques. Mais il serait faux de laisser
croire que les sujets du roi de Castille n’ont jamais cultivé ce jardin de la
poésie lyrique. Simplement, jusque là, ils l’ont fait en galicien. En effet,
une des grandes originalités de la poésie galaïco-portugaise est d’avoir
constitué, dès le XIIIe siècle, le lieu de rencontre de créateurs
d’origine géographique diverse. Les raisons historiques susceptibles
d’expliquer ce phénomène sont multiples: il n’y a pas lieu de les exposer ici.
Rappelons seulement que la constitution d’un Etat unitaire castillano-léonais
ne s’est pas faite par l’absorption pure et simple du royaume de León par celui
de la Castille, mais que le premier a conservé longtemps une spécificité
culturelle dont la poésie témoigne de façon patente. L’utilisation du galicien
constitue, de fait, une obligation pour tout poète castillan pratiquant le
genre lyrique, jusqu’à une date tardive. L’analyse
du sommaire du Chansonnier de Baena va nous fournir de précieuses
indications à ce sujet.
On me pardonnera
de fournir des chiffres, mais ils sont trop significatifs pour qu’on puisse
omettre de les citer. Nous disposons aujourd’hui, grâce aux travaux du
Professeur Brian Dutton, d’un outil qui nous permet d’appréhender avec un
maximum de sûreté l’énorme production cancioneril du XVe
siècle. Or,
qu’observons-nous? Sur les 6000 poèmes inventoriés par lui, -si l’on veut bien
exclure les 1000 pièces portugaises du chansonnier de García de Resende
conservé, de plus, dans une édition de 1516-, l’immense majorité est composée
en castillan. Parmi les autres langues utilisées, le français, le catalan,
l’italien et le latin le sont à des doses infinétésimales et alternent souvent
avec le castillan dans le poème. Le galicien, lui, dispose d’un statut
particulier: il est plus présent et alterne peu avec le castillan.
Cette présence
reste modeste, puisque l’on ne dénombre que 66 poèmes en galicien dans toute la
production recueillie par les chansonniers castillans. Mais 49 d’entre eux
figurent dans les deux recueils de Paris qui nous intéressent, soit près de
75%. Si l’on ajoute que, de ces 49 poèmes, 36 ont été conservés dans l’unique version
de Paris, on mesurera l’intérêt de nos chansonniers pour l’étude de la place du
galicien dans la poésie castillane de la fin du Moyen Age.
Mais qui sont ces
poètes qui continuent à composer en galicien? Dans le Cancionero de Baena, ils
sont six: Alfonso Alvarez de Villasandino, le plus prolixe d’entre eux (22
poèmes); Macías (5 poèmes); Gonzalo Rodríguez, Archidiacre de Toro (5 poèmes);
Pero González de Mendoza (2 poèmes); Pero Vélez de Guevara (1 poème); Garci
Fernández de Gerena (7 poèmes).
Alfonso Alvarez de
Villasandino est le grand homme du chansonnier, le compilateur mis à part, cela
s’entend. C’est lui qui a l’honneur d’en ouvrir le sommaire et 96 de ses poèmes
y sont reproduits. Il est permis d’affirmer que le recueil s’est fait à partir
de ce que l’on peut considérer comme un chansonnier particulier de ce poète,
que Baena devait considérer comme un précurseur mais également comme un talent
particulièrement représentatif de la production poétique de son temps. Et c’est
sans doute aussi en s’inspirant des genres pratiqués par Villasandino que le
compilateur organise la production de chaque poète selon un ordre immuable:
d’abord les cantigas (chansons), puis les questions et réponses, enfin
les dezires (les dits).
La distinction
entre ces diverses formes poétiques tient autant au thème et à la tonalité
qu’aux structures formelles.
-Les dits
sont de nature narrative, qu’ils fassent l’éloge d’un roi ou d’un ami cher ou
qu’ils touchent à des aspects quotidiens de la vie du poète, toujours, comme il
se doit, en mal d’argent. Ils utilisent soit le vers d’arte mayor, à
deux hémistiches hexasyllabes, soit l’octosyllabe.
-Le jeu des
questions et réponses emprunte beaucoup à l’esprit et à la forme des dits.
Souvent d’ailleurs ces pièces sont désignées comme telles dans les rubriques
qui les précèdent. Elles témoignent de l’existence d’une communauté de poètes,
même si certains échanges se font l’écho de conflits entre certains d’entre
eux. Elles confèrent, s’il en était encore besoin, à cette poésie une évidente
dimension sociale et sont les seules à rompre parfois le moule des topiques de
forme et de pensée qui modèle généralement l’inspiration des poètes.
-Les cantigas
sont de deux sortes: la cantiga de meestria, structure ouverte de deux à
dix couplets sans refrain ni reprise; la cantiga à refrain, généralement
plus brève, qui reproduit à la fin de chaque couplet certains éléments du
refrain initial. Seules ces dernières relèvent du genre lyrique.
C’est surtout dans
la forme de la cantiga que Villasandino s’exerce à composer en galicien.
Le Chansonnier de Baena en a retenu 20, ce qui est considérable, compte
tenu du fait qu’il n’en conserve, du même auteur, que 26 en castillan. Il
s’agit, pour la plupart, de chansons d’éloges adressées à des dames, soit à
l’initiative du poète, soit à la demande de certains de ses amis. Dans le
premier cas, les destinataires sont Juana de Sossa, « mançeba del rrey don
Enrrique » (9 cantigas), la reine de Navarre, soeur du roi Jean Ier
(4 cantigas), María Cárcamo, autre « mançeba del rrey don Enrrique »
(1 cantiga), et une dame qui est restée anonyme (1 cantiga); dans
le second cas, doña Beatriz, épouse du comte don Pero Niño (2 cantigas).
Existe-t-il des
indices qui permettent de préciser les raisons de l’emploi d’une langue ou
d’une autre? La disposition des pièces peut nous en fournir quelques-uns. On
observe, en effet, trois concentrations de cantigas en galicien.
– a) De 10 à 19.
La série commence par une cantiga dédiée à doña Beatriz et se poursuit
par 10 cantigas dédiées à Juana de Sosa, dont 3 seulement en castillan
(12, 16 et 18).
– b) De 22 à 27.
Une série continue de 6 cantigas en galicien consacrées respectivement
au roi don Juan (22), a doña Juana de Sossa ou la reine de Navarre -le
compilateur hésite- (23), à María Cárcamo (24), enfin, à la reine de Navarre
(25 à 27).
– c) De De 43 à
47. 4 cantigas dédiées à doña Juana de Sosa (43 et 45) et à la reine de
Navarre (46 et 47), entre lesquelles s’intercale une cantiga en
castillan dédiée à une dame anonyme (44).
Ce tableau de
répartition des cantigas en galicien, dans le corpus des œuvres de
Villasandino, appelle quelques remarques. Nous savons, depuis les travaux de
Barclay Tittmann et d’Alberto Blecua, que le contenu du Chansonnier de Baena
a subi quelques modifications. Il est fort possible, par exemple, que la série
c) ait été déplacée de sa position originelle. On y trouve, en effet, la seule
mention de la qualité de Juana de Sossa « mançeba del rrey don Enrrique »
(43), alors que les rubriques des autres cantigas consacrées à cette
dame, même lorsqu’elles figurent avant celle-ci dans le Chansonnier, la donnent
déjà pour connue (« la dicha doña Juana de Sossa » ou « la dicha
doña Juana »). En bonne logique, la pièce 43 devrait donc se trouver avant
le poème 11. Ceci pourrait nous conduire à placer la série c) juste avant la
série a). Les conséquences d’un pareil transfert, sans être négligeables, sont
peu importantes pour l’analyse que je mène ici. Tout au plus, aurait-il pour
effet de réduire les séries à deux et de grossir singulièrement la première.
La seconde
remarque qu’il convient de faire concerne les motifs de cet agencement. A
quelles normes répond-il? L’identité du (ou de la) destinataire est un critère
visible dans la constitution de séries: série de cantigas d’éloges à la
ville de Séville (28 à 31bis), à la Vierge (1 et 2) et à doña Mayor, seconde
épouse du poète (5 et 6 -et peut-être plus, compte tenu que le manuscrit
présente là une lacune-). Ce critère joue aussi dans les séries à dominante
galicienne en faveur de doña Juana de Sossa (11 à 19, à l’exception de 12) et,
à un moindre degré, en faveur de doña Beatriz et de la reine de Navarre.
Un autre critère
parfois retenu est d’ordre thématique et formel. L’illustration la plus
frappante est constituée par les cantigas 40 à 42, qui, dans leurs
premiers vers, présentent une analogie verbale évidente:
40: Por vna
floresta estraña / yendo triste muy pensoso
41: Por vna
floresta escura / muy açerca de vna presa
42: En muy
esquiuas montañas / apres vna alta floresta.
On pourrait en
dire autant des deux pièces qui suivent:
43: Amorosso
rryso angelical
44: Vysso
amoroso / duelete de my.
On a pu voir aussi
dans cet agencement, et à la lecture des rubriques des poèmes, un classement
chronologique des œuvres de Villasandino.
On ne peut écarter l’hypothèse en ce qui concerne les cantigas, car le
petit nombre de dames concernées est tout à fait compatible avec une période de
composition restreinte. Pourtant, l’argument ne tient pas lorsque l’on situe
ces dames dans le temps. Doña Juana de Sossa, si l’on en croit Azáceta, fut une
maîtresse du roi Henri II et se serait retirée de la vie de Cour à la mort de
ce dernier. Les poèmes qui lui sont dédiés seraient donc antérieurs à 1379.
L’infante Leonor, fille de ce roi, devint reine de Navarre en 1387, lorsque son
mari, Charles III, accéda au trône. La cantiga 26 est probablement de
1375, date de son mariage avec le prince navarrais. Mais il est délicat de
dater les autres, même si la mention « reine de Navarre » que
comportent les rubriques nous conduisent à les situer après 1387: il peut
s’agir, en effet, d’une facilité d’expression du compilateur, qui travaille à
une époque où la turbulente Leonor est connue comme étant « la reine de
Navarre ».
Nul doute qu’à cette époque sa position lui ait permis d’entretenir auprès
d’elle de nombreuses suivantes de bonne famille capables d’inspirer des vers élogieux
à Villasandino (41). L’auteur de la Chronique de don Pero Niño affirme qu’elle se
mêle encore à des réjouissances publiques à l’époque de la régence de son
neveu, Ferdinand d’Antequera, entre 1406 et 1412. Une autre dame célébrée par
Villasandino, Beatriz, apparaît dans la même chronique, dont le héros sera son
mari, autour de 1409. Enfin, à en juger par le ton désabusé de la cantiga
6, le poète a passé l’âge des enthousiasmes amoureux à l’époque où il dédie ce
poème à sa « dernière » femme.
Tout laisse à
penser, par conséquent, que Villasandino utilise le genre de la cantiga
pendant la plus grande partie de sa vie de poète. Or, dans les séries décrites
plus haut, le galicien coexiste avec le castillan. Il faut donc chercher
ailleurs que dans la chronologie d’écriture la raison d’être de cette langue
dans sa production.
La présence
conjointe de pièces de la même veine, dédiées aux mêmes personnes, peut nous
apporter quelques lumières à ce sujet. Qu’est-ce qui distingue, par exemple, la
cantiga 12, écrite en castillan, des cantigas écrites en galicien
qui l’entourent? Qu’est-ce qui a pu pousser le poète à en écarter soigneusement
toute galicianisme d’expression? Rien dans le thème, ni le ton: peut-être
seulement un désir de respecter la vraisemblance, la scène étant supposée se
passer « après le Guadalquivir ». C’est ce même souci de
vraisemblance qui semble présider au choix du castillan pour les poèmes
consacrés à la ville de Séville (28-31bis). De même, pour les pièces 5 à 9,
pourrait-on déceler une prise en compte de l’origine familiale des
destinataires: tant Juana de Sossa que Beatriz appartiennent à des familles
venues du Portugal. Mais comment expliquer, dès lors, que le poète consacre
plusieurs cantigas en galicien à la reine de Navarre, et qu’il utilise
cette langue pour adresser une requête au roi don Juan de Castille? Que ce
dernier ait épousé en secondes noces une princesse portugaise ne constitue pas
une explication suffisante, on en conviendra: que l’on sache, le poète n’a
jamais usé du navarrais à l’intention de la reine Leonor.
Il faut se rendre
à l’évidence, Villasandino manifeste, en ce qui concerne le genre de la cantiga,
une certaine prédilection pour le galicien. Cette prédilection se manifeste
également sur le plan formel par une plus grande diversité de formes métriques
dans les pièces composées en cette langue que dans celles composées en
castillan. Il nous faut être prudent, car le corpus n’est pas assez étendu pour
autoriser des conclusions indiscutables, mais on perçoit une tendance nette, de
la part du poète, à réserver le galicien aux innovations métriques, qui sont
parfois d’une remarquable complexité.
Ces considérations
peuvent-elles aussi s’appliquer aux dits narratifs? En voici un
inventaire descriptif (Je reprends la numération d’ensemble des pièces de
Villasandino).
21. Amigo
señor franqueza desdeña : bollicios nin guerra por ser enlocados. 3×8, 3. Arte
mayor. Respuesta
a una pregunta, también en gallego de « un bachiller en artes de
Salamanca ».
22. Pues
de cada dia nascen : deitadores. 5×9, 5. (8 octos+ 1 tétra). Dezir a
manera de pregunta e rrecuesta contra los trobadores.
23. Garcia
amigo ninguno te espante : ganaste vileza e canbio astroso. 4×8… arte
mayor. Dezir contra Garcia Fernández de Gerena quando se torno moro.
24. Andando
cuydando en meu ben cuyde : de meu grant cuydado porque me lexasse. 1×8. Copla
(de arte mayor) de consonantes doblados « por escura ».
25. Conselladme
ora amigo : como me mandays que syga. 8,4 octos. Dezir fecho por arte de
macho e fenbra.
26. Amor
poys que vejo os boos fugyr : porque me fazades morer nin penar. 4,8×4. Dezir
contra el amor (responde al anterior, en castellano, « loando al amor »)
27. A
quen ajuda o rey ensalçado : fugir canto mays vn mago cuytado. 4×8. Autoría
dudosa. A don Gutierre de Toledo quando fue electo de Toledo (?)
La pièce 21 est
une réponse. Elle conclut un long échange entre un bachelier ès-arts et
notre poète (B84-95). Cet échange se fait en castillan à l’exception de la
dernière question du bachelier qui est composée en galicien, ce qui provoque,
naturellement, une réponse dans la même langue. La même tonalité, à la fois
savante et polémique, se poursuit avec 22, une requête contre les rimailleurs
de tout acabit, où l’on trouve une attaque contre les mauvais poètes et, en
même temps, une défense et illustration du métier et du talent de l’auteur.
Le dit
contre García Fernández de Gerena, bien qu’il corresponde à la même veine
burlesque et polémique, offre, du fait de son thème, une possible justification
du choix du galicien. Utiliser la langue de la terre où repose l’Apôtre
Matamore n’est pas fortuit lorsque l’on entreprend de dénoncer une apostasie au
profit de l’Islam.
Le « dit
contre l’amour » (25) ne saurait être isolé du précédent, consacré, lui, à
faire l’éloge du dieu. Le rapport entre ces deux poèmes est d’autant plus
évident que tous deux présentent des analogies formelles: même strophe; même
disposition de rime; enfin, la rime –a (-ar), constante tout au
long du premier, se retrouve en clôture du second. Pourtant, seul le second est
composé en galicien. Faut-il interpréter ce fait comme une manifestation de la
propension du poète à recourir au galicien chaquefois qu’il use de l’invective?
Les pièces 24 et
25 ont en commun d’être de purs exercices de virtuosité. La première, qui joue
sur la figure étymologique à partir de la racine cuydar, s’inscrit dans
la double tradition du trobar clus, cher aux troubadours, et aussi aux
grands rhétoriqueurs. Pour la seconde, le jeu consiste à associer à la rime
deux mots identiques à ceci près que l’un s’achève en -o et l’autre en –a,
d’où le libellé de la rubrique qui parle « d’art de mâle et femelle ».
Le trop petit
nombre de poèmes concernés, la variété des thèmes ainsi que la diversité des
circonstances d’écriture ne permettent pas, sur le choix de la langue de
composition, de tirer des conclusions plus sûres que celles qu’autorisait
l’analyse des cantigas. On ne peut manquer de relativiser l’originalité
de telle composition au regard de son contexte: ainsi de la pièce 24, qui se
situe dans une série de quatre poèmes déclarés énigmatiques par le compilateur,
dont trois sont rédigés en castillan. Cependant, il est permis de reconnaître
deux motivations principales chez le poète, lorsqu’il choisit de s’exprimer en
galicien: soit une volonté polémique, soit un élan de virtuosité. On rejoint
par là, comme je le soulignais plus haut, deux grands courants de la poésie
provençale et française: le courant satirique illustré par le sirventès
et le courant de l’écriture hermétique qui a si souvent tenté les poètes
savants. Faut-il s’étonner qu’en cette fin du XIV° et début du XV° siècle, un
imitateur castillan préfère parfois user de la langue galicienne pour retrouver
ces pratiques et cet esprit poétique? Certainement pas, si l’on veut bien
considérer que la production dans cette langue a servi, dans la Péninsule, de
réceptacle et de relais à la poésie des troubadours.
Mais tout aussi
significatif de la spécificité du galicien, en tant que langue poétique, chez
un Villasandino, est l’inventaire des genres et des thèmes où cette langue
n’apparaît pas. J’ai relevé deux cas particulièrement « parlants ».
Le premier concerne la poésie « politique », celle qui fait l’éloge
d’un protecteur, roi, prince, grand du royaume à quoi l’on peut joindre les
éloges funèbres et épitaphes poétiques d’illustres disparus. Cette veine, lente
à se manifester pendant les règnes des trois premiers Transtamares, prend des
proportions plus considérables, -la nécessité aidant-, à la fin de la vie de
Villasandino.. Mais l’inspiration qui donne lieu au plus grand nombre de pièces
dont le galicien est absent, c’est celle qui conduit le poète à solliciter
l’aide de ces protecteurs. Cette littérature littéralement « alimentaire »
est exclusivement castillane.
Malgré les limites
du corpus déjà soulignées, on voit donc se dessiner certaines tendances dans
l’usage que Villasandino fait du galicien. L’absence d’une inspiration triviale
tend à conférer à cette langue le statut de langue noble,
« poétique ». Son domaine de prédilection est l’éloge de l’amour et
de la femme aimée. Mais il lui reste à assumer encore une partie de l’héritage
de la poésie des troubadours, qu’elle a servi dans la Péninsule dès le XIIe
siècle, ce qui l’autorise à investir parfois le domaine de la satire, sans pour
autant atteindre celui de la grivoiserie, de l’érotisme ou de la scatologie.
Enfin, elle ne manifeste apparemment pas beaucoup de prédilection pour les
poèmes longs, comme si elle craignait d’user assez vite la capacité de
réception de ses auditeurs. Langue de tradition qui a cessé d’être familière,
elle joue le rôle de ces vieilles cousines auxquelles on continuait, dans les
maisons d’autrefois, à laisser le soin de certaines tâches, non sans les
réduire toutefois pour les confier à des bras plus vigoureux. Ce qui semble
évident, en tous les cas, c’est que Villasandino a vécu ce renfermement de la
langue poétique galicienne dans un domaine de plus en plus réduit. Il n’est pas
interdit de penser qu’il en a eu conscience et que l’importance relative de sa
production dans cette langue soit le résultat d’une volonté de prolonger sa
permanence.
Mais tournons-nous
vers les autres poètes du chansonnier qui ont composé dans cette langue, et
tentons de vérifier si on retrouve chez eux les tendances perçues chez
Villasandino.
Nous ne pourrons
tirer guère d’enseignements des œuvres de Gonzalo Rodríguez, puisque ses quatre
cantigas ainsi que son dit-testament sont composées en galicien.
S’agissant de l’archidiacre de Toro, ville du royaume de León, peut-être
faut-il voir là simplement le recours à la langue naturellement pratiquée par
ce personnage, encore que son galicien n’offre pas plus d’authenticité que
celui dont usent les poètes d’origine castillane.
Le galicien
Macías, le poète amoureux par antonomase, figure pour cinq cantigas.
Seules deux sont composées dans sa langue natale. Elles se distinguent de
celles qui les accompagnent par des analogies formelles évidentes: couplets de
7 vers suivis d’une paire; même disposition des rimes; les paires correspondent
à des insertions de proverbes, dans un cas, de citations (trebellos),
dans l’autre. Elles renvoient toutes deux à un corpus de textes préexistants,
dont il est permis de penser qu’il détermine le choix de la langue de
composition.
De Pero González
de Mendoza le compilateur a retenu quatre poèmes, tous d’inspiration amoureuse. Deux sont en
galicien: il s’agit de desfechas ou chansons chargées de prolonger et
d’illustrer lyriquement un thème traité auparavant dans une veine plus
narrative. Mais gardons-nous de tirer des conclusions hâtives, car le poème qui
suit ces deux desfechas est une pastourelle, dont la tradition
galaïco-portugaise aurait pu justifier qu’elle fût rédigée en galicien et non
en castillan, comme c’est le cas.
Le cas de Garci
Fernández de Jerena est analogue, même si le nombre de poèmes reproduits est
très supérieur: douze au total. Le choix de la langue ne semble pas répondre à
une nécessité clairement perceptible. La transformation du poète en ermite, ses
prières et suppliques adressées à Dieu au moment même où il s’apprêtait à le
trahir pour l’amour d’une belle musulmane, puis -circonstance aggravante- pour
les beaux yeux de la soeur de celle-ci, donnent lieu à des pièces dans l’une ou
l’autre langue. Le dernier poème reproduit mérite une mention spéciale. Il
s’agit d’une chanson de condamné faite à l’occasion de l’exécution publique à
Ségovie d’un certain Fernán Rodríguez. Le
choix de la langue est peut-être déterminé par un souci de réalisme si le
condamné était galicien ou léonais.
Enfin, de Pero
Vélez de Guevara, nous avons six poèmes, quatre dits et une cantiga.
Seul un dit est composé en galicien. Il s’agit d’une pièce satirique à l’encontre
d’une dame de la noblesse trop âgée, trop laide et trop pauvre pour pouvoir
prétendre trouver un mari.
La contribution de
ces poètes au Chansonnier ne contredit donc pas les hypothèses émises à
partir de l’analyse des œuvres de Villasandino. Les genres que n’a pas
pratiqués Villasandino dans des pièces en galicien ne le sont pas non plus par
ses contemporains: ni pièce politique, ni littérature « alimentaire »;
une place de choix, en revanche pour l’élan lyrique ou la satire.
Jusqu’à
maintenant, pour désigner la langue employée par ces poètes, j’ai employé
l’adjectif « galicien », alors que les linguistes qui se sont penché
sur ces textes ont souligné le caractère hybride de cette langue, qu’il serait
plus exact de caractériser de castillan mâtiné de galicien. De même a-t-on pu
définir des degrés différents de galicianisme selon l’origine des poètes. Le débat
linguistique est parfaitement respectable et je n’ai pas cherché à l’occulter.
Mais il n’est que de peu d’utilité dans une approche non strictement
linguistique de cette production. Ce qui est en cause ce n’est pas le degré
plus ou moins grand de galicianisme de ces poèmes, mais la présence de traits
linguistiques qui rompent avec la norme castillane. Car cette seule présence,
pour modeste qu’elle soit, est significative d’une volonté de rattacher cette
poésie à une tradition qui, en l’occurrence, est plus sociologique et
littéraire que linguistique. N’y aurait-il qu’un seul trait de phonétique
galicienne dans chaque poème que cela suffirait à nous obliger à prendre en
compte le phénomène et à reconnaître qu’il ne s’agit plus d’une littérature
castillane. Et cela nous contraindrait à nous interroger sur les raisons d’un
écart par rapport à la norme linguistique du castillan. Ces écarts ont la
valeur de signes et il nous reste à les interpréter. Signe d’une origine
géographique? D’une revendication de « patrie » littéraire
péninsulaire, face, à la fois, au castillano-centrisme et à l’influence jugée
excessive de la littérature d’outre-Pyrénées? Signe d’une identification
générationnelle face à la nouvelle école castillane? Ou tout cela à la fois?
Voilà ce qu’il conviendrait d’étudier de près.
Pour clore cet
exposé, je me propose de vous présenter rapidement un autre texte galicien
contenu dans le Petit chansonnier de Paris. Nous aurons ainsi l’occasion
de vérifier si certaines des conclusions proposées plus haut sont acceptables
en dehors de la production contenue dans le Chansonnier de Baena. ou
s’il s’agit d’un trait spécifique de ce dernier.
On a tout lieu de
penser que ce recueil fut composé dans le scriptorium de la famille du
Chancelier Ayala. L’essentiel des œuvres et documents qu’il contient datent des
premières années du XVe siècle et certaines appartiennent à des
poètes qui figurent parmi ceux de la première génération du Chansonnier de
Baena. L’œuvre
qui nous intéresse ici est un poème de 5 huitains d’octosyllabes dû à la plume
de Ruy González de Clavijo, au moment où il s’apprête à s’embarquer, en 1403,
pour diriger une ambassade du roi Henri III de Castille auprès de Tamerlan. Sa
femme, doña Arias Mayor, adresse à la mer une supplique non exempte de menaces,
lui enjoignant de ménager son mari pendant une si perilleuse expédition. Il
s’agit, en fait, d’une imitation d’un villancico populaire, comme l’a
démontré excellemment Jane Whetnall.
Dans cette pièce,
la jeune femme laisse percer quelques accents de sincérité d’autant plus
perceptibles que le style est souvent maladroit et emprunté. Son mari lui
répond sur un ton plus léger, non sans quelque conformisme d’écriture ni
maladresses formelles, défauts qui dénotent là aussi un apprenti rimailleur.
Ces pièces ne mériteraient de figurer en bonne place dans la poésie castillane
si elles ne présentaient quelques caractéristiques extra-littéraires
remarquables. La principale est, sans doute, que le poème de doña Mayor Arias
est une des rares œuvres témoignant d’une création poétique authentiquement
féminine. Mais c’est un autre trait qui me conduit à le mentionner ici: le fait
que la réponse du mari est rédigée en galicien.
Nous voici
replongés dans une problématique assez proche de celle que nous avons
rencontrée dans le recueil de Baena. L’association de deux œuvres composées
l’une en castillan, -celle de la dame-, l’autre en galicien, -celle du mari-
nous conduit à nous interroger sur cette dualité et cette coïncidence de deux
langues différentes dans un contexte unique. Jane Whetnall croit déceler, dans
ces deux choix opposés, une contradiction symbolique: l’adhésion à la mode du
côté de l’homme; la mission de conserver la tradition autochtone chez la femme.
En somme, l’homme, détenteur du pouvoir, se rattacherait à une culture savante,
courtisane, cependant que la femme soumise serait la gardienne du temple de la
culture populaire. Autant dire que le choix du galicien par Clavijo relèverait
ici d’un simple snobisme d’écriture. L’hypothèse de J. Whetnall a l’avantage de
s’intéresser à une dimension sociologique de la création littéraire qu’il
convient de ne pas négliger, mais il me semble qu’elle pêche par manque de
perspective historique. Car elle pose, de fait, l’antériorité du castillan sur
le galicien et, accessoirement, l’antériorité du poème de Clavijo par rapport à
celui de sa femme.
Celle-ci choisit
de composer en castillan sa vigoureuse mise en garde contre une mer
personnifiée. Qu’elle ne fasse que prolonger ainsi le modèle poétique qu’elle
s’est donné n’apporte pas d’explication convaincante, car il faudrait expliquer
aussi le choix primordial du villancico castillan. Pourquoi son mari
recourt-il au galicien? Nul ne le saura sans doute jamais. Observons,
cependant, que son poème n’est pas, à proprement parler, une réponse à celui de
sa femme puisque celui-ci ne lui était pas nommément adressé. Tout au plus
prend-il appui sur l’évidente tristesse de son épouse au moment de son départ
pour l’assurer de sa fidélité pendant sa longue entreprise. Mais n’oublions
surtout pas que nous avons à faire là à une littérature ancillaire, qui
n’aurait sans doute pas eu droit de cité dans un chansonnier tel que celui de
Baena, alors même que la notoriété de Clavijo, auteur d’un récit très apprécié
de son expédition, l’en rendait digne. Nous touchons donc probablement à une pratique
profonde de la poésie, à un réflexe d’écriture ancré dans le comportement
littéraire de toute une génération de lecteurs.
Or que
voyons-nous? Sur les cinq couplets de son poème, Clavijo en compose quatre en
galicien et un, le dernier, en castillan. Simple relâchement de l’attention de
l’auteur dont la capacité à mener jusqu’à son terme un poème en galicien
excéderait les forces? La
raison est sans doute plus simple. Dans les deux derniers couplets, en effet,
le poète conclut sur des proverbes. Or il se trouve que celui qu’il insère dans
le couplet 5 est castillan. Il se peut donc que Clavijo ait simplement mis son
texte en conformité avec sa conclusion. Ceci nous conduirait à conclure que
l’alternance de castillan et de galicien démontre qu’aux yeux du poète il
n’existe pas une véritable contradiction entre ces deux langues poétiques,
puisqu’il est capable de les associer dans le même poème.
Nous ne sommes pas
si loin, par conséquent, de la problématique soulevée par la présence d’une
poésie galicienne dans le Chansonnier de Baena. Si les développements
ultérieurs de la production poétique en Castille nous informent que le galicien
est en passe de tomber en désuétude, il continue, au début du XVe
siècle, à occuper une place non négligeable dans la pratique des poètes
castillans. Il ne constitue en rien un corps étranger en cours d’expulsion
mais, au contraire, un recours utile dans certaines circonstances de genre ou
de thème. Tant que les poètes ont continué à pratiquer certaines formes traditionnelles
ou ont cru poursuivre une certaine tradition poétique, ils n’ont pas hésité à
utiliser la langue des poètes du royaume léonais. C’est, en fin de compte,
l’apparition de nouveaux courants, principalement celui de la poésie
allégorique inspirée des italiens, qui les conduisit à abandonner une langue
qui n’avait aucune lettre de noblesse à faire valoir dans ce domaine. Et s’il y
eut snobisme, je soupçonne qu’il dut plutôt fonctionner comme un facteur de
rejet de la part de poètes qui cherchaient plus à imiter un Francisco Imperial
et ses disciples qu’à maintenir une tradition qui pouvait les faire passer pour
des rétrogrades.
Rien ne permet, en
tous les cas, de penser que les poètes de la fin du XIVe et du début
du XVe siècles vécurent passivement cette coexistence des deux
langues. Ils durent les assumer toutes deux et s’ils se séparèrent de l’une
d’entre elles, c’est qu’elle leur parut avoir fait son temps.
Poèmes d’Alfonso
Alvarez de Villasandino
1-2:
dédiées à la Vierge
3.
La novela esperança : adorando el seu pendon. 7×4 octos.
Cantiga.
en loores del rrey don Juan, fijo del rrey don Enrrique el viejo, quando rreyno
nuevamente.
4:
dezir al Infant Ferdinand
5-6:
cantigas a doña Mayor, "dernière" épouse du poète
7-9:
cantigas à diverses dames
_________________________________________
Série a)
10. La que
syenpre obedeçi : sy es doña nin donzella. 3×8 octos + Tris. en 5.
Cantiga
por ruego del conde don Pero Niño por amor e loores de doña Beatriz su muger
11.
Entre Doyro y Miño estando : que no mundo muyto val. 6×8 octos.
Cantiga
por amor e loores de doña Juana de Sossa.
12:
a doña Juana de Sossa
13.
Poys me non val seruir nin al : que ten meu cor. 4 (octo-penta), 4×10 (4 octos
+ 6pentas)
Cantiga.
por amor e loores de doña Juana de Sossa
14.
Desque de vos me parti : elo non cessan chorando.3×8 octos.
Cantiga
por amores e loores de vna señora
15.
Bien aia miña ventura : muytas vezes he folgura. 4, 5×8 octos.
Cantiga
por amor e loores de doña Juana de Sossa
15bis.
Ay meus ollos que quisistes : mellor non vy. 4×11 (9 octos + 2 pentas).
Cantiga
(sans rubrique)
16: Acabada
ffermosura : loare ssempre de grado. 4×8 octos
Cantiga a Juana de
Sossa
17.
As doncelas denle onor : por quen nonbrar non oso. 4×9 (4 octos+
3tétras-pentas+ 3 octos), 5 (2tétras.-pentas + 3 octos)
Cantiga
por amor e loores de doña Juana de Sossa
18: Crueldat e
trocamento / morrey sin meresçimiento
Cantiga por amor e
loores de Juana de Sossa
19.
Tempo ha que muyto affane : de meus ollos non vos ver. 4×8 octos.
Cantiga
por amor e loores de doña Juana de Sossa.
________________________________________
20:
id. 15
21:
contra el amor
______________________________________
Série
b)
22. Triste
ando de conuento : non entendo ser guarydo. 4×14 octos-tétras-pentas.
Cantiga
en loores del rey don Juan como a manera de peticion
23.
Syn fallia me conquiso : desta sseñora mia. 6, 4×13 octos-tétras-pentas.
Cantiga
por amor e loores de doña Juana de Sossa o a la reina de Navarra
24.
Byua senpre ensalçado : y heu ledo e muy pagado. 4, 5×8 octos.
Cantiga
por amor e loores de doña Maria de Carcamo, mançeba del rrey don Enrrique.
25.
Ay que mal aconsellado : bon parescer acabado. 4, 5×8 octos.
Cantiga
por amor e loores de la reina de Navarra, hermana del rrey don Juan
26.
Tryste soy por la partida : poys non so nin fuy fallida. 4, 3×8 octos.
Cantiga
quando desposaron la rreyna de Navarra con don Carlos porque sse yua
27.
Poys me non val : vos mandade guarirme. 4, 3×8 pentas-octos alternés.
Cantiga
por manera de desfecha a la cantiga anterior. A la reina de Navarra.
________________________________________
28-31bis:
à la ville de Séville
32:
a Beatriz
33.
Loado sejas amor : tu sejas meu judgador. 4, 4×8 octos.
Cantiga
al conde don Pero Niño por amor e loores de la dicha doña Beatriz
34-39bis:
dezires à la mort d’Henri III
__________________________________________
Série c)
40-42:
cantigas à diverses dames
(anonyme;
suivantes de la reine de Navarre et Beatriz)
43.
Amorosso risso angelical : dolor e grant cuyta mortal. 4, 2×8 octos. Cantiga.
por
amor e loores de doña Juana de Sossa, mançeba del rrey don Enrrique.
44:
à une dame anonyme
45.
De grant cuyta sofridor : ande e ando e andare. 4×8 octos. Cantiga
por
amor e loores de la dicha doña Juana de Sossa.
46.
Por amores de vn estrella : certo soy por seu talante. 4×8 octos. Cantiga.
en
loores e alabança de la señora reyna de Navarra
47.
Desseoso con desseo : desseando todavya. 4×6 octos. Cantiga
por
desfecha de la anterior (19)
48-51:
à doña Juana de Sossa
Preguntas
y respuestas, Dezires.
21. Amigo
señor franqueza desdeña : bollicios nin guerra por ser enlocados. 3×8, 3. Arte
mayor. Respuesta
a una pregunta, también en gallego de « un bachiller en artes de Salamanca ».
22.
Pues de cada dia nascen : deitadores. 5×9, 5. (8 octos+ 1 tétra). Dezir a
manera de pregunta e rrecuesta contra los trobadores.
23.
Garcia amigo ninguno te espante : ganaste vileza e canbio astroso. 4×8… arte
mayor. Dezir contra Garcia Fernández de Gerena quando se torno moro.
24.
Andando cuydando en meu ben cuyde : de meu grant cuydado porque me lexasse.
1×8. Copla (de arte mayor) de consonantes doblados « por escura ».
25.
Conselladme ora amigo : como me mandays que syga. 8,4 octos. Dezir fecho por
arte de macho e fenbra. Le suivant, en castillan, aussi.
26.
Amor poys que vejo os boos fugyr : porque me fazades morer nin penar. 4,8×4. Dezir
contra el amor (responde al anterior, en castellano, "loando al
amor")
27.
A quen ajuda o rey ensalçado : fugir canto mays vn mago cuytado. 4×8. Autoría
dudosa. A don Gutierre de Toledo quando fue electo de Toledo (?).
Poys
me boy sin falimento
onde
Deus touer por ven
de
vos Deus consolamiento
que
todo el mundo manten
Señora
de prez loada
do
meu cor faze morada
con
que falledes plazer.
Deus
vos tena en seu encomenda
porque
sejades guardada
de
todo mal syn contienda
de
alegria aconpañada
de
lealtad bien guardada
porque
en toda vosa vida
amedes
muy puramenta mi que soy voso seruiente.
Que
por donde quier que fore
boso
serie syn dudança
menbrandou
de gentil flor
de
bosa gentil senblança
por
la qual mi coraçon
sufrira
tribulaçion
fasta
que seja tornado
ver
voso viso adonado.
|
Meus
amigos toda ora
quantos
me queredes ben
confortad
a mi señora
que
non cure de otro rren
synon
de lexar tristura
et
veuir en grand folgura
que
el que ben atende auer
non
deue quexoso ser.
Que
non fare demudança
della
en ninguna guisa
que
por firme lealtança
amor
me dio por deuisa
por
lo qual a Deus plaziendo
escreui
asy diziendo
que
el que bien esta e se muda
non
faz como Rex ssesuda.
|